Une semaine de sensibilisation nationale
Du 2 au 8 juin 2025 se tiendra la cinquième édition française de la Journée mondiale de sensibilisation aux troubles des conduites alimentaires (TCA). À cette occasion, la thématique de la famille sera abordée à travers une série d’événements organisés sur l’ensemble du territoire national, et tout particulièrement en Île-de-France. Conférences, webinaires, témoignages, « InstaLives » et autres événements rythmeront cette semaine dédiée à l’information et à la prévention.
Le thème retenu cette année est : « Quand les TCA s’immiscent dans la famille ».
Professionnels de santé spécialisés, membres du Réseau TCA Francilien experts de la Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB), associations de familles et de patients uniront leurs voix pour proposer conférences, ateliers, tables rondes et échanges. Ces temps forts seront autant d’occasions d’apporter des éclairages, de favoriser le dialogue et de soutenir les familles confrontées à ces troubles complexes.
Pour découvrir le programme des actions : Les Troubles des Conduites Alimentaires, parlons-en ! – Journée mondiale des TCA
Comprendre les TCA
Les TCA sont des troubles psychiatriques complexes et sévères, qui affectent profondément la santé physique et psychique des personnes concernées, ainsi que leur insertion sociale. Leur impact ne se limite pas à l’individu : ils se répercutent également de manière significative l'entourage familial, souvent démuni face à la maladie.
Ces troubles nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire, adaptée et conforme aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles.
Origines et population concernée
Les causes des TCA sont multifactorielles : facteurs génétiques, biologiques, développementaux, comportementaux et sociaux. Les TCA apparaissent le plus souvent à l’adolescence et touchent majoritairement les femmes, mais ils peuvent également concerner les hommes, dès l’enfance ou à l’âge adulte.
On distingue différents troubles des conduites alimentaires :
- L’anorexie mentale qui concerne davantage les adolescentes et les jeunes femmes. Un diagnostic d’anorexie mentale repose sur 3 critères principaux : un amaigrissement significatif ou un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 17,5 ; une « perte de l’appétit » avec des comportements d’évitement pour empêcher la prise de poids ; une perturbation de l’image corporelle. Des signes d’alerte complémentaires sont souvent associés.
- La boulimie nerveuse, qui concerne également les adolescentes et les jeunes femmes en majorité. Elle consiste en l’ingestion d’un volume alimentaire important en un temps restreint, à un rythme fréquent ou ponctuel, associée à un sentiment de perte de contrôle. Les personnes boulimiques mettent souvent en place des comportements compensatoires pour neutraliser leur prise de poids : vomissements, prise de laxatifs ou de diurétiques, périodes de jeûne et exercices excessifs. La boulimie touche environ 1,5 % des 11–20 ans* et concerne environ trois jeunes filles pour un garçon.
- L’hyperphagie boulimique, rare chez les adolescents et préadolescents qui se présente sous la forme de crises de boulimie incontrôlées et récurrentes, sans comportements compensatoires. L’hyperphagie boulimique est plus fréquente que la boulimie (3 à 5 % de la population). Elle touche presque autant les hommes que les femmes et elle est plus souvent diagnostiquée à l’âge adulte.
- Les troubles des conduites alimentaires non spécifiés, qui désignent toutes les problématiques qui ne répondent pas aux critères mentionnés précédemment. Selon les études, ils sont 5 à 10 fois plus fréquents que les troubles cités ci-dessus.
Le rôle de l’ARS et les actions en Île-de-France
La prise en charge des TCA s’inscrit dans le volet « santé mentale » du Projet Régional de Santé (PRS) 2023-2028 de l’ARS Île-de-France, qui vise à :
- Favoriser une détection plus précoce des troubles ;
- Organiser une réponse mieux graduée et coordonnée ;
Optimiser l’orientation et la prise en charge, selon l’âge et la sévérité.
Des dispositifs concrets
En 2021, l’ARS Île-de-France a lancé un appel à projets pour la création d’hôpitaux de jour d’évaluation pluri-professionnelle, permettant une évaluation globale (somatique, nutritionnelle et psychiatrique) des personnes souffrant de TCA.
Service de pédopsychiatrie- Hôpital Robert Debré APHP 75
Service hospitalo-universitaire de santé mentale (SMAJA) de santé des adolescent.es et jeunes adultes - Clinique FSEF Paris 16 - Fondation Santé des Etudiants de France (FSEF) 75
Service de pédopsychiatrie - Institut Mutualiste Montsouris 75
Maison de Solenn, MDA de l’hôpital Cochin APHP
Unité de Médecine de l’adolescent - Centre Hospitalier Intercommunal de Poissy 78 (cet HDJ n’est cependant pas en fonctionnement actuellement)
Unité de Médecine de l’adolescent- Centre Hospitalier Sud Francilien 91
Unité de Médecine de l’adolescent - Hôpital Ambroise Paré APHP 92
UFITAA – Unité Familiale Interhospitalière pour les TCA de l’Adolescent - Hôpital Jean Verdier et EPS Ville-Evrard- Bondy 93
CITTA - Centre Intégré de Traitement des Troubles Alimentaires - Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil (pédopsychiatrie et pédiatrie) 94
Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale – CMME – GHU Paris psychiatrie et neurosciences 75
Service de nutrition - Hôpital Paul Brousse APHP 94
L’ARS poursuit son travail de structuration de l’offre francilienne et travaille en partenariat étroit avec le Réseau TCA Francilien, qui constitue un partenaire privilégié sur les chantiers menés afin de répondre aux objectifs du PRS 3.
Un partenariat avec le Réseau TCA Francilien
L’ARS travaille en lien étroit avec le Réseau TCA Francilien, une association loi 1901 fondée en 2008.. Elle rassemble aujourd’hui des soignants franciliens de toutes professions qui prennent en charge des personnes atteintes de TCA (médecins, psychologues, diététiciens, infirmiers, psychomotriciens...).
Des actions de formation dédiées aux professionnels
Dans le cadre de sa stratégie régionale, et pour la troisième année consécutive, le Réseau TCA Francilien propose, grâce au soutien de l’ARS Île-de-France, de financer des formations sur les TCA pour des équipes de professionnels de santé. Ceci afin de contribuer à améliorer les prises en charge des personnes qui souffrent de TCA et de favoriser la collaboration entre équipes spécialisées et non spécialisées. Pour obtenir ce financement, le projet doit répondre à certains critères : Financement de formations TCA par l'ARS IDF - Campagne 2025
Les équipes intéressées peuvent envoyer leur candidature au Réseau TCA Francilien avant le 28/06/2025.
D’autres dispositifs existent en complément de l’offre de soins spécialisés dans l’accompagnement des troubles des conduites alimentaires, par exemple la ligne d’écoute Anorexie Boulimie Info Ecoute, assurée par le réseau TCA Francilien et soutenue par l’ARS, et qui participe à la prévention, au repérage et à l’orientation des personnes, tant pour le grand public que les professionnels.
Témoignage du Docteur Renaud de Tournemire, du service de pédopsychiatrie de l'hôpital Ambroise Paré APHP 92 - sélectionné en 2022 et financé par l'ARS Île-de-France.
Renaud de Tournemire est pédiatre et thérapeute familial. Il est responsable d’une unité de médecine de l’adolescent à l’hôpital Ambroise Paré situé à Boulogne-Billancourt.
À la suite de l’appel à projet lancé en 2021 par l’ARS Île-de-France, son service a bénéficié d’un soutien financier pour ouvrir un hôpital de jour (HDJ) permettant une évaluation rapide des adolescents présentant des troubles alimentaires.
Ainsi est née en 2022 l’AFEDAA (Accueil Familial pour l’Evaluation des Difficultés Alimentaires de l’Adolescent) labélisé CRCE (Centre de Recours, de Coordination et d’Évaluation) par l’ARS.
Depuis, chaque mardi après-midi, l’équipe pluridisciplinaire du CRCE – composé d’un thérapeute familial, d’un pédiatre, d’un psychiatre ou psychologue et d’un diététicien– reçoit une famille autour d’un adolescent souffrant de troubles alimentaires (anorexie mentale le plus souvent, boulimie, hyperphagie boulimique ou pica parfois). Les familles sont généralement adressées par leur médecin traitant et un rendez-vous est proposé dans le mois suivant la demande.
Des entretiens familiaux adaptés et structurés
A l’hôpital de jour AFEDAA, on parle « d’entretiens familiaux » plutôt que de thérapie familiale. L’objectif est d’aborder le sujet des troubles alimentaires avec tous les membres de la famille présents.
« Quand on est appelés pour une personne qui souffre de difficultés alimentaires, on demande à ce que toute la famille vienne. »
Ces rencontres se déroulent en plusieurs temps : d’abord avec toute la famille réunie pour une discussion collective, puis avec l’adolescent seul, les parents seuls, et parfois même la fratrie. Cette organisation permet à chacun de s’exprimer et d’être entendu dans un cadre bienveillant et structurant.
Une consultation pédiatrique systématique, avec l’adolescent seul, permet d’évaluer le retentissement physique de la maladie (dénutrition, complications secondaires à des conduites purgatives…).
L’importance de mobiliser toute la famille
Les troubles alimentaires ont un impact profond sur les dynamiques familiales, notamment parce qu’ils se manifestent souvent lors des repas – moments traditionnellement partagés en famille. Il est donc essentiel d’impliquer l’entourage dans le processus de soin.
« Aider la famille pour qu’elle puisse aider l’adolescent qui souffre de TCA. »
En mettant chacun au même niveau d’information et en créant un espace de parole pour tous, les professionnels cherchent à renforcer les ressources familiales et à soutenir les proches, qui jouent un rôle clé dans l’accompagnement de l’adolescent.
Des formats collectifs complémentaires, comme les groupes de paroles, les thérapies familiales ou multifamiliales (où plusieurs familles concernées échangent ensemble) peuvent venir renforcer cette logique d’accompagnement global.
Une prise en charge efficace et rapide
Ce modèle d’entretien familial présente plusieurs avantages significatifs : il mobilise plusieurs professionnels, s’étale sur une après-midi entière, et inclut l’ensemble de la famille. Ce temps long et cette approche globale permettent d’instaurer une dynamique de soin plus rapide et plus engageante.
« Cette prise en charge est très rapide et plus efficace qu’une prise en charge classique. »
Selon le Dr de Tournemire, cette modalité permet non seulement de gagner en efficacité, mais aussi de mieux comprendre les enjeux spécifiques de chaque situation, et de tisser une relation de confiance entre les familles et les soignants dès le premier contact.