Éthique & numérique en santé - Comment le numérique transforme le parcours et la relation de soin ?

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Le déploiement du numérique en santé représente une avancée majeure pour le système de soins, mais il soulève également des enjeux éthiques profonds. L’innovation technologique doit s’ancrer dans le respect des personnes, la transparence, la solidarité et la préservation du lien humain.

C’est dans cet esprit qu’a été organisée la Journée Éthique du numérique en santé, le 26 juin 2025, co-portée par l’ARS Île-de-France, l’Espace éthique Île-de-France et la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS). Cet événement a été l’occasion de poser les bases d’une réflexion partagée et d’explorer les leviers d’une transition numérique respectueuse, inclusive et durable.  

5 principes fondamentaux de l’éthique du numérique en santé 

Posés comme socle de référence par la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), ces principes orientent le développement, le déploiement et l’usage des outils numériques en santé : 

  1. Bienfaisance – Concevoir des outils utiles, pertinents et améliorant les soins. 
  2. Non-malfaisance – Assurer sécurité, confidentialité et absence de préjudice. 
  3. Autonomie – Garantir la liberté de choix et d’action des usagers. 
  4. Justice – Promouvoir l’équité d’accès et l’inclusion numérique. 
  5. Écoresponsabilité – Réduire l’empreinte environnementale des solutions numériques. 

La relation soignant-soigné à l’épreuve du numérique 

Le numérique reconfigure la dynamique du soin. Il interroge les fondements mêmes de la relation soignant-soigné, qui repose sur l’écoute, la confiance et la présence. 

Entre promesse et risque, plusieurs usages soulignent ce paradoxe : 

  • La robotique, notamment en gériatrie ou soins palliatifs, peut jouer un rôle de soutien relationnel, mais ne doit jamais se substituer à la présence humaine. Elle est utile lorsqu’elle renforce l’attention, non quand elle la remplace. 
  • La télésurveillance et les outils de suivi à distance offrent des opportunités de prévention continue, mais ils doivent intégrer la subjectivité du patient – son vécu, ses ressentis – au-delà des données objectives. 
  • L’interface numérique (applications, plateformes, chatbots) doit être inclusive, simple, et accompagnée de médiations humaines pour prévenir l’isolement ou l’exclusion des plus éloignés du numérique. 

Le soin ne se résume pas à un échange de données. Il est aussi une expérience relationnelle, vécue et partagée. 

Des usages du numérique à encadrer : l’éthique au-delà du droit 

Le développement rapide de l’intelligence artificielle, de la robotique et des dispositifs connectés rend indispensable un encadrement juridique. Trois grands principes émergent pour guider les usages : 

  • Clarifier les responsabilités liées à l’IA en santé, notamment lorsque les algorithmes influencent ou assistent les décisions médicales. 
  • Maintenir la primauté de la décision humaine, en garantissant une supervision éclairée des outils automatisés. 
  • Évaluer les projets numériques à travers des démarches participatives, impliquant patients, professionnels, et personnes vulnérables. 

L’exemple des projets innovants comme RECAP de PREPSY (réalité virtuelle pour la remédiation cognitive) ou Sam’IA (chatbot à visée clinique) rappelle la nécessité d’un contrôle éthique continu, notamment sur les impacts psychosociaux, la nature des données collectées, et le risque d’isolement numérique. 

Déployer dans les parcours de soins : promesse d’efficience, exigence d’équité 

Le numérique déployé dans les parcours de soins – télémédecine, coordination, outils partagés – constitue une opportunité majeure d’organisation plus fluide et plus accessible. Mais il appelle à une vigilance éthique continue. 

Parmi les enseignements clés : 

  • Former les professionnels aux usages du numérique pour garantir une prise en main adaptée, et éviter une automatisation mal comprise. 
  • Préserver le lien humain, notamment dans les étapes sensibles comme la périnatalité, où le contact direct reste central. 
  • Adapter les outils aux réalités territoriales, notamment en Île-de-France, où les inégalités d’accès aux soins et au numérique sont marquées. 
  • Inclure les personnes en situation de handicap dans ce type de réflexions est également nécessaire pour la conception et déploiement de solutions numériques accessibles à tous 

Des initiatives comme Santé protégée pour les enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance ou le SAMSAH de PREPSY pour la santé mentale témoignent d’un déploiement intelligent, ancré dans la réalité des parcours. 

Le partage de données, loin d’être un acte purement technique, devient un acte de soin. Il engage la confiance, la transparence et la reconnaissance des droits des personnes, notamment les plus vulnérables. 

Le numérique en santé ne peut être un outil neutre. Pour qu’il devienne un véritable levier de progrès humain, il doit être : 

  • Pensé avec les usagers dès sa conception. 
  • Évalué dans ses impacts relationnels, cognitifs et sociaux. 
  • Accompagné d’un engagement éthique fort, au croisement du droit, de la pratique clinique et de l’expérience vécue.