Le Comité des personnes directement concernées par le handicap en Île-de-France

Article

Pour éclairer ses politiques publiques liées au handicap, l’ARS Île-de-France a créé le 13 juin 2024 le comité des personnes concernées. Ce comité de participation regroupe 30 personnes en situation de handicap, complétant les instances représentatives existantes. Il pourra solliciter le réseau de personnes concernées, plus large, pour des enquêtes et avis sur des sujets spécifiques.

Le comité : quels objectifs ?

Se nourrir de l’expérience et de l’expertise des personnes porteuses d’un handicap sur leurs projets de vie, leurs besoins ou leurs difficultés pour améliorer les politiques publiques qu’elle met en œuvre, tel est l’objectif que l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France souhaite atteindre au travers du Comité des personnes concernées. Celui-ci doit aider à :

  • Concevoir des solutions qui répondent mieux aux attentes des personnes,
  • Améliorer la possibilité de faire ses propres choix (autodétermination),
  • Améliorer les possibilités de participation à la vie sociale et citoyenne (inclusion)
  • Soutenir l'appui à la construction des projets de vie.

Pour cela, il a trois grandes missions (voir schéma 1) :

  • Contribuer à l’élaboration des politiques publiques en direction des personnes en situation de handicap en ile de France
  • Intégrer dans les politiques publiques du handicap le savoir expérientiel des personnes
  • Contribuer à l’amélioration de l’autodétermination et de la fluidité des parcours de vie des personnes concernées

Cette création rejoint les recommandations de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ou, plus récemment, celles de la Conférence nationale du handicap (CNH), incitant à prendre en compte la parole des personnes en situation de handicap et de leurs représentants directs. Elle se situe dans la continuité de travaux déjà entrepris par l’agence autour de la réponse accompagnée pour tous (RAPT) ou encore du comité de pilotage de la transformation de l’offre en Île-de-France. Enfin, elle vient compléter les nombreux dispositifs de représentation des personnes en situation de handicap déjà en vigueur, notamment ceux créés par les lois successives de 1975, 2002, 2005 : le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA), les Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA), et les Conseils de la vie sociale (CVS) dans les structures médico-sociales.

Un comité plénier et un réseau

Pour constituer le Comité des personnes concernées, l’agence a lancé un appel à candidatures le 28 février 2024 sur la base d’un court questionnaire. Plus de 100 candidatures ont été déposées, parfois même au-delà du territoire francilien. Forte de cette dynamique, l’agence a décidé la constitution de deux cercles de participation et une possibilité de va-et-vient entre les deux, en fonction des possibilités des personnes, voire des thèmes inscrits au programme de travail :

  • Le premier, le comité plénier, rassemble 30 personnes en situation de handicap. Ce nombre a été défini pour permettre une bonne qualité des échanges et faciliter la création d’un collectif de travail. Tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une instance de participation et non de représentation, la sélection a été réalisée en veillant à disposer d’une diversité d’attentes exprimées, de situation de vie (logement, emploi, âge…) et de localisation géographique (voir tableaux 1 et 2). Ce comité plénier a été installé le jeudi 13 juin 2024.
  • Le second, le réseau des personnes concernées, rassemble les autres candidats en situation de handicap intéressés. Ils seront mobilisés sur d’autres formes de participation : ils pourront rejoindre des groupes de réflexion sur les sujets d’intérêt qu’ils ont indiqués dans leur questionnaire, répondre à d’autres enquêtes, avoir des entretiens avec des chercheurs, des professionnels de l’ARS ou du centre régional d'Etudes d'Actions et d'Informations, en faveur des personnes en situation de vulnérabilité en Île-de-France (CREAI).

Si les missions, le cadre de travail et la gouvernance du Comité ont été définis par l’ARS, son nom, son fonctionnement et son programme de travail sont entièrement décidés par ses membres.

Vous êtes en situation de handicap et vous souhaitez rejoindre le réseau des personnes concernées.

Ce réseau vient en appui au comité des personnes concernées installé le 13 juin 2024 dont le nombre de membres est limité pour faciliter le travail collectif. L’existence d’un réseau étendu lui permet de consulter davantage de personnes sur différents sujets.

Pour plus d'informations, vous pouvez nous écrire à l’adresse ars-idf-comite-inclusif@ars.sante.fr ou en contactant le CREAI IDF, qui accompagne le comité, au 07.44.51.65.07

Des thèmes d’intérêt très riches

Lors de leur candidature en ligne les personnes pouvaient choisir parmi 13 thématiques différentes et en ont désigné en moyenne près de 7 chacune. La sélection des membres du Comité plénier est globalement comparable à celle du réseau :

  • Les droits des personnes dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) et le logement sont les deux sujets les plus cités, pendant que les outils de communication, la vie affective et sexuelle, la liberté d’aller et venir et l’école inclusive sont parmi les moins choisis.

Concernant les thématiques qui n’étaient pas proposées dans le questionnaire et qui ont été les plus spontanément mentionnées, on retrouve :

  • L’accès aux soins, massivement cité
  • Les difficultés d’accès au sport, aux loisirs, à la culture
  • La discrimination et la non reconnaissance des handicaps dits « invisibles ».
  • Les difficultés financières et de parcours.

Tous ces résultats ont été partagés avec les membres du comité plénier lors de la séance d’installation du 13 juin 2024. Cette présentation a permis de nourrir leur réflexion sur la définition de leur programme de travail.

Installation du comité plénier

L’installation du comité plénier s’est tenue dans les locaux de l’ARS. C’est Sophie Martinon – directrice général adjointe de l’agence – qui a lancé cette instance en en remerciant les participants pour leur engagement et en rappelant les attentes et les missions de l’agence. Ainsi, sur les sujets dont l’ARS porte seule la responsabilité, elle instruira les recommandations des participants : accès aux soins, repérage précoce, création de foyers d’accueil médicalisés… Sur d’autres sujets, sa responsabilité est partielle et le travail du comité devra donc être partagé avec d’autres acteurs : parentalité, accès à l’école et aux études, accès à l’emploi…. Et sur certains sujets, l’agence n’a pas de moyen d’agir. Dans ce dernier cas, elle se chargera de relayer les propositions aux acteurs concernés (conseils départementaux, rectorats, Région…) en se proposant d’être le relais de la réponse à apporter.

Parmi les utilisations déjà identifiées des propositions du comité, ont été cités l’évolution des cahiers des charges des structures (établissements, services ou dispositifs) lors des appels à projets, les recommandations formulées aux directeurs d’établissements ou aux salariés de l’agence dans le cadre de temps d’échanges ou de formation, la possibilité de faire évoluer les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) signés avec les gestionnaires ou encore l’affectation aux directeurs d’ESMS publics d’objectifs issus des recommandations du comité. En outre, tous ces travaux serviront à alimenter le Plan Inclus’IF 2024-2030 que l’ARS Île-de-France a lancé le 12 octobre 2023 pour développer l’offre à destination des personnes en situation de handicap et favoriser leur inclusion.

Après ce temps plénier, les membres du comité se sont répartis en trois groupes de travail animés par le CREAI pour réfléchir à leurs méthodes de travail, à leur programme de travail et au calendrier des futures réunions. La journée s’est terminée par un nouvel échange regroupant le groupe plénier et les équipes de l’agence. Il a permis de présenter la méthode définie par le comité et de discuter des trois premières thématiques retenues pour le programme de travail 2024-2025 :

  • Le logement
  • Le Plan Inclus’IF 2030
  • Les droits fondamentaux

Pour les traiter, trois groupes ont été constitués qui ont travaillé régulièrement ensemble à partir de septembre 2024. Un deuxième comité plénier s’est tenu en janvier 2025. Il a permis au comité de se doter d’un nom et d’un logo. Il a également été l’occasion de faire un point d’étape sur les travaux des groupes thématiques et d’affiner la méthode de travail qui associe désormais des points d’information/présentation par différents acteurs internes ou externes à l’ARS, pour permettre aux membres d’améliorer leur connaissance des thématiques choisies et par là même affiner leurs propositions. L’avis du réseau a été sollicité à propos des propositions du comité. Une restitution finale des travaux des groupes  a eu lieu en juin 2025 lors du 3eme comité plénier, qui a été également l’occasion d’engager la réflexion sur le programme de travail 2025-2026. 

Lors de ce comité ont également été présentés des projets de charte et de règlement intérieur, communs au comité et à son réseau, rassemblant leurs principes et modalités pratiques de fonctionnement, en vue d’assurer la meilleure participation possible de leurs membres. Lorsque la charte et le règlement intérieur seront adoptés, les membres du comité et du réseau seront invités à les signer.

Une construction progressive

Dans une logique d’amélioration en continu, indispensable pour une instance nouvelle, le comité, l’ARS et le CREAI Ile de France poursuivent leur réflexion sur deux thèmes  que le comité et le réseau ne couvrent pas actuellement, étant constitués de personnes adultes ayant pu candidater en ligne.

  • Le premier concerne la constitution d’un groupe qui rassemblerait des personnes médiant la parole de leur proche ayant de graves difficultés de communication et permettant de progresser dans la prise en compte directe de cette parole.
  • Le second a trait à la participation des plus jeunes en situation de handicap. En effet, dans l’avenir, le comité des personnes concernées pourrait inclure un comité des enfants. Ses contours seront progressivement réfléchis.

Pour avancer dans ce projet, le comité des personnes concernées d’Ile de France bénéficie du soutien du président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) : Jérémie Boroy. Il s’appuie également sur l’expérience et les compétences du CREAI, membre du comité d’organisation et en charge de l’accompagnement du comité, notamment par l’animation des temps de travail.

Le CREAI, un facilitateur en charge de l’animation du Comité.

Témoignage de Séverine Ternisien, conseillère technique au CREAI.

« Le CREAI (centre régional d'Etudes d'Actions et d'Informations, en faveur des personnes en situation de vulnérabilité) en Île-de-France a été mandaté par l’ARS pour animer le comité des personnes concernées qu’elle mettait en place. Concrètement, notre rôle est de réunir les conditions pour que les membres du comité puissent participer activement. Nous nous assurons qu’ils ont bien compris leur rôle, qu’ils aient toutes les informations nécessaires pour assister et participer aux réunions. Nous sommes un facilitateur.

Le CREAI est déjà très engagé dans le soutien à la participation d’auto-représentant en matière de handicap. L’ARS Île-de-France est innovante dans la création de ce comité en donnant une vraie place à la voix des personnes en situation de handicap. Nous espérons que grâce à ce comité les actions mises en place correspondent au mieux à leurs besoins, par exemple en matière d’accès aux droits, ou de fluidité des parcours de vie. »

 

Je m’appelle Mathew. J’habite en Essonne (91) et je travaille en Esat. En effet je suis en situation de handicap et j’ai la chance de faire partie du Comité des personnes directement concernées par le handicap en Île-de-France, ou CPCH.

Ma première participation au CPCH date d’un an, mais ma motivation est antérieure. Tout a commencé pour moi en 2022. J’ai eu la chance de rencontrer Monsieur Oillaux alors chef de projet au sein du Comité interministériel du handicap (CIH) dans le cadre d’une conférence de mon employeur (Epnak). Il était présent ainsi que sa supérieure. Pour cette rencontre, j’avais recueilli des idées autour de moi de ce qu’on pourrait améliorer dans le monde du handicap. J’ai pu travailler cette liste au fil du temps et je souhaitais l’exploiter un jour, peut-être à la Conférence nationale du handicap (CNH) où je n’ai pas pu aller malheureusement bien que j’y aie été invité.

Mais je n’ai pas perdu espoir, et il se trouve qu’il y a un an environ j’ai été contacté par email par l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France à ma grande surprise pour me proposer de candidater à ce comité. Je me suis empressé de le faire. Je me suis douté que peut-être Monsieur Oillaux avait dû transmettre mon adresse email dans leur liste de contacts et je l’en remercie. J’ai ainsi eu la chance d’être accepté et depuis je participe aux réunions. Elles ont lieu soit au Centre de recherche, d’étude, d’action et d’information (CREAI) à Paris pour les ateliers, soit à l’Ars où nous sommes pour les réunions plus officielles. Cette participation se fait avec l’accord de mon employeur qui me libère volontiers sur mon temps de travail.

Parmi les trois groupes de travail, je fais partie du groupe Plan Inclus’If 2030 et je fais des efforts pour exprimer un point de vue personnel et non représentatif de mes pairs.

Participer à ce groupe me permet tout d’abord de visiter ma mère plus proche de Paris puis voyager et faire autre chose que du travail manuel, en gros changer d’air. J’aime bien les deux, travailler manuellement à mon Esat et contribuer en réunion à mon échelle. Je suis épanoui en alternant les deux. Aussi cela est valorisant pour moi d’exprimer mes idées dans une bonne ambiance favorisée par le personnel du Créai et de l’Ars bienveillant et à l’écoute. Je me sens utile, car j’ai le sentiment que ma parole compte. Rencontrer d’autres personnes comme moi de toute la région qui ont des idées parfois similaires mais différentes pour la plupart me permet de réfléchir et me donne de la joie (de les rencontrer).

Enfin participer à ce comité me permet d’avoir le privilège de me tenir devant vous aujourd’hui avec Florence Thibault et Lydie Gibey deux personnes très appréciables comme leurs collègues.

J’espère que les choses pourront évoluer dans le bon sens grâce à votre aide.

Sur ce que nous avons pu faire et proposer depuis un an, le groupe de travail me concernant a plus mis l’accent sur la pair-aidance, ce que je trouve très bien. J’ai pu parler du sujet où j’ai le plus de choses à dire c’est-à-dire le travail et je voudrais continuer à le faire, et évoquer d’autres sujets comme la vie en foyer, les infrastructures, les démarches et bien d’autres.

En tout cas j’aime bien faire partie de ce comité et ne regrette pas d’avoir candidaté. De plus je félicite l’Ars Île-de-France de montrer l’exemple à ses organismes pairs par sa volonté pionnière de recueillir la parole des personnes en situation de handicap via ce réseau.

Christine est membre du Comité des personnes directement concernées par le handicap, créé par l’ARS à l’été 2024 pour éclairer ses politiques publiques liées au handicap. 

Comment percevez-vous aujourd’hui la participation des personnes en situation de handicap aux instances qui les concernent ? 
Il y a encore beaucoup de travail à faire pour informer les personnes handicapées, sans même parler de leur participation. À ma connaissance, il y a peu d’instances où elles sont directement mises à contribution, mais j’étais moi aussi mal informée. On a généralement le sentiment que l’on nous donne la parole pour « faire bien », sans que notre avis soit vraiment pris en compte. 

Et vous, qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre le CPCH ? 
J’ai toujours souhaité me rendre utile et aider les gens, mais je n’avais pas d’idée précise. Enfant, j’ai participé à un conseil des jeunes à la mairie de Neuilly. J’ai également fait partie du conseil de la vie sociale de mon établissement. En rejoignant le CPCH, j'ai voulu élargir mes capacités d'agir dans le champ du handicap. 

Concrètement, comment fonctionne le CPCH ? Votre retour après près d'une année de participation ? 
Nous sommes un groupe de 30 personnes en situation de handicap issus de toute l’Île-de-France et nous nous réunissons tantôt tous ensemble, tantôt en petits groupes d’une dizaine de personnes, pour travailler sur les sujets précis choisis lors de la première réunion, le tout dans le respect et la bienveillance. J’utilise une aide de communication pour m’exprimer, donc je pensais que ce serait compliqué. Mais l’ARS met tout en œuvre pour que chacun puisse participer au maximum (interprètes en LSF, visio, documents en FALC, etc.). En participant à ce Comité, je me sens valorisée. Mon seul regret, c’est que l’on ne communique pas beaucoup entre nous hors des réunions. 

Pouvez-vous donner un exemple concret de sujet sur lequel vous avez été sollicités, et l’effet que cela a eu selon vous ? 
Nous avons par exemple réfléchi à la pair-aidance : les personnes concernées, en particulier dans les établissements, connaissent mal leurs droits et ne savent pas toujours à qui s’adresser. La pair-aidance peut être un moyen d’être mieux informé. Le Comité a proposé à l’ARS d’intégrer la pair-aidance dans le cahier des charges des appels à projets. L’ARS semble d’accord, mais il faudra voir comment cela se traduit dans les faits. 

Est-ce que cette expérience vous donne le sentiment d’avoir plus de pouvoir d’agir qu’avant ? 
Je pense que c’est aux personnes handicapées de montrer ce dont elles sont capables, si on leur donne la parole, si on les informe de ce qu’elles peuvent faire et si on les considère comme des partenaires à part entière. Pour ma part, la participation au Comité a enrichi mes connaissances sur la politique du handicap. Désormais, je me sens plus légitime pour en parler et je souhaite continuer à travailler sur de nouveaux sujets avec le Comité.