Comment promouvoir l’implication des patients, des résidents et usagers et des professionnels de santé autour de cette thématique en faveur de la sécurité des patients et ainsi la place de l’usager ? Eléments de réponses avec Claude Rambaud, représentante des usagers au sein de la clinique Marcel Sembat à Boulogne-Billancourt.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Claude Rambaud, juriste en santé publique de formation et impliquée dans le domaine de la santé depuis 50 ans. J’ai eu une vie antérieure dans le soin. J’ai également exercé au sein d’une société de conseil et de formation dont la mission était d’œuvrer pour la réduction des risques en santé et d’accompagner les professionnels dans la gestion des accidents médicaux.
Membre de l’association Le Lien, qui lutte contre les infections nosocomiales et œuvre pour la sécurisation de la prise en charge des patients, j’intègre le bureau lors de mon passage à la retraite.
Je suis représentante des usagers depuis 8 ans au sein de la Clinique Marcel Sembat. J’ai souhaité prendre cette fonction afin de voir si les recommandations nationales étaient réellement mises en pratique sur le terrain et surtout d’observer leur faisabilité dans le quotidien des professionnels de santé.
Quel est votre rôle dans la gestion des risques en tant que représentante des usagers ?
Lors de la Commission des usagers (CDU) de la Clinique Marcel Sembat, les indicateurs qualité ainsi que l’analyse des Evénements Indésirables Graves associés aux Soins (EIGS) et des réclamations nous sont présentés. Les professionnels expliquent les faits ainsi que les évolutions et conséquences qu’ils en ont tirés. La discussion qui en découle avec les représentants d’usagers permet de porter un regard différent et ouvrir de nouvelles pistes non identifiées par les professionnels. En effet, le regard des représentants des usagers permet de mettre en lumière le regard du patient ou de la famille.
Cette présentation et cette implication des CDU dans la démarche d’analyse est un grand progrès, cependant les représentants des usagers ne participent pas à l’analyse, et les différents cas sont déjà digérés lorsqu’ils sont présentés. Par ailleurs, l’intégration d’un représentant d’un usager dans la participation d’une RMM a été abordé en CDU et doit être discuté avec la CME car cela implique les médecins.
En tant que représentante des usagers, quelles recommandations donneriez-vous pour que l’annonce du dommage associé aux soins soit correctement présentée et intégrée par le patient ?
Le gestionnaire de risques, qui conduit les analyses, doit dès l’introduction du retour d’expérience demander si l’annonce du dommage associé aux soins a été faite. Quand la réclamation ou le signalement est analysé, il est déjà souvent tard pour le faire mais c’est une question qui doit être systématique.
La formation des professionnels de santé est primordiale. Si la formation initiale évolue, elle n’est pas encore suffisante. La formation continue doit renforcer les acquis des professionnels. L’absence de communication est l’un des facteurs majeurs dans la survenue des dommages, et c’est donc, sans surprise un élément qu’on retrouve aussi au moment de l’annonce à la famille.
L’annonce du dommage associé aux soins doit être faite avec empathie. Il ne faut pas négliger les conditions d’accueil qui sont déterminantes dans l’annonce au patient ou à ses proches : l’équipe doit préparer cet entretien (si nécessaire avec la psychologue de l’établissement), prendre le temps nécessaire avec le patient ou ses proches, réaliser l’annonce dans un lieu adapté. Les victimes peuvent comprendre les erreurs, voire les fautes médicales mais ne comprennent pas qu’on les leur cache.
Parfois, l’équipe est en état de choc et n’est pas en état de communiquer. Il peut alors être opportun de faire intervenir un tiers (médiateur, psychologue) qui s’assurera que l’information soit transmise et ce en toute bienveillance. Par ailleurs, l’annonce du dommage est à distinguer de l’annonce d’une faute.
Dans le cadre de votre activité dans l’association Le Lien, vous avez eu à analyser de nombreuses RMM (revue morbi-mortalité) pour donner un avis. Vous militez depuis longtemps pour l'introduction du récit du patient ou de la famille en cas de décès.
Quels sont les arguments que vous mettez en avant pour introduire ce récit ?
Le récit du patient est indispensable, mais aujourd’hui seuls quelques établissements le prennent en compte. L’échange entre le patient et les professionnels permet à l’équipe médicale de comprendre certains points de tension. Dans cette relation, le représentant des usagers peut apporter des éléments de compréhension des mécanismes et de ce qui peut être amélioré côté établissement.
Le représentant des usagers peut aussi faire le lien avec les familles, qui souhaitent être informées de la réalisation des analyses sur le dossier de leurs proches. Pour ce faire, il est nécessaire que les médecins soient d’accord pour intégrer de façon plus importante les représentants des usagers à cette démarche.
Quels sont les freins que vous rencontrez tant de la part des professionnels que des patients ou de leur famille ?
- Sidération de l’équipe
Pour les professionnels, parfois en état de choc, il s’agit d’une situation traumatisante.
- Frein culturel / besoin de maturité
Les freins culturels existent, les professionnels ne sont pas habitués à observer le regard du patient ou le faire participer. Le regard du représentant des usagers peut alors être craint et les professionnels peuvent être réticents à sa présence lors de l’analyse. Cependant, son rôle est de d’intégrer et de mettre en avant le point de vue de l’usager et de la famille.
- Besoin de formation
Bien sûr, cela nécessite de former les représentants d’usagers afin qu’ils sachent se positionner et comprendre l’ensemble de la démarche. Les représentants des usagers sont tenus au secret professionnel. Les établissements peuvent solliciter France Assos Santé qui organise des formations à destination des représentants des usagers.
- Evolution favorable
Il y a plusieurs années, lorsque j’évoquais le point de vue du patient, les professionnels étaient surpris. Aujourd’hui, l’expérience du patient est importante dès le début de la prise en charge et doit l’être en cas de dommage associé aux soins.