Grippe : prévenir la banalisation, renforcer la vaccination
Après une saison 2024-2025 marquée par une épidémie de grippe plus intense que la moyenne, la campagne vaccinale reprend dans un environnement où coexistent le Covid-19 et d’autres virus respiratoires. Une vaccination la plus large possible reste indispensable, en particulier pour les publics les plus vulnérables.
L’an dernier, l’épidémie de grippe a été particulièrement sévère, avec un démarrage précoce, une durée plus longue que la moyenne et une co-circulation atypique des trois virus grippaux. À l’échelle nationale, le bilan a été lourd : une surmortalité d’environ 17 600 décès, près de 30 000 hospitalisations et 3 millions de consultations pour syndrome grippal. « Pour l’heure, en ce début novembre, les indicateurs de la grippe sont encore à leur niveau de base dans notre région, comme dans toute la France métropolitaine, indique Dr Luc Ginot, directeur de la Santé Publique de l’ARS Île-de-France. Mais nous savons que le calme ne va pas durer. D’ici quelques semaines, comme chaque année nous rentrons en phase épidémique »
Les épidémies de grippe sont donc des phénomènes banals et c’est peut-être là le problème. « Parce qu’elle revient chaque hiver, la maladie semble familière, ajoute Dr Luc Ginot. On en oublie qu’elle provoque encore des pneumonies, des décompensations de maladies chroniques ou des hospitalisations parfois longues. En moyenne, plus de 2 000 décès sont évités chaque année grâce à la vaccination qui réduit également de 16 à 32 % les hospitalisations chez les plus de 65 ans. Malgré une efficacité parfois variable selon les souches, ses bénéfices sont constants, mais elle demeure encore trop peu pratiquée, y compris chez les plus fragiles. »
Une couverture largement insuffisante
En Île-de-France, à la fin de la dernière campagne, seulement 53 % des personnes de 65 ans et plus étaient vaccinées, loin de l’objectif des 75 %. Chez les moins de 65 ans à risque, la couverture chute à 26 % « Nous ne faisons pas face à une résistance de principe de la population ni à une difficulté d’accès au vaccin, estime Luc Ginot. Ce qui freine, c’est surtout l’idée que la grippe n’est pas une maladie grave et une faible acculturation aux gestes de prévention dans la population. »
Cette banalisation masque aussi des inégalités. Dans la région, les écarts de couverture sont marqués : plus de douze points séparent les Yvelines (55,9 %) et la Seine-Saint-Denis (43,8 %) en ce qui concerne la vaccination des plus de 65 ans. « Le gradient social de la prévention est net, confirme Luc Ginot. Les territoires où la couverture vaccinale est la plus faible sont aussi ceux où l’état de santé général est le plus dégradé et où l’accès aux soins est le plus difficile.» L’enjeu est donc autant social que sanitaire.
Rappeler aux habitants que la vaccination est un droit
La vaccination antigrippale n’est pas obligatoire pour les soignants, mais elle est très fortement recommandée. Les professionnels de santé ont, en effet, un risque majoré de contracter la grippe et peuvent, parallèlement, la transmettre à leurs patients. Et cela peut avoir des conséquences graves, notamment en milieu hospitalier et en Ehpad. Pourtant, les taux de couverture vaccinale observés chez les professionnels de santé demeurent très insuffisants, avec une baisse particulièrement marquée chez les personnels des Ehpad depuis la crise liée au Covid-19. « Les professionnels doivent se faire vacciner et faire vacciner leurs collaborateurs », insiste Luc Ginot, directeur de la Santé publique à l'ARS Île-de-France. C’est important pour la protection collective, la continuité des soins et la légitimité du message de prévention. »
Un rôle central pour les professionnels
Les professionnels de santé ont, eux aussi, un rôle central à jouer. En première ligne auprès des patients, ils sont ceux qui sont les plus à même de rappeler l’importance de la vaccination et de convaincre les hésitants. « Nous comptons sur eux pour faire vivre la culture de la prévention au quotidien, insiste Luc Ginot. Chaque occasion de contact – une consultation, une visite à domicile, un renouvellement d’ordonnance – doit être l’occasion de relancer le dialogue sur la vaccination. Qu’ils vaccinent eux-mêmes ou orientent vers un pharmacien, leur parole reste décisive. »
La saison 2025-2026 s’inscrit dans un contexte de co-circulation des virus respiratoires, avec la grippe, le Covid-19 et le VRS. Leurs courbes épidémiques se chevauchent, entraînant des tensions prévisibles sur les services d’urgence et les établissements médico-sociaux. Cette année encore, il est recommandé aux personnes à risque de se faire vacciner contre la grippe et contre le Covid-19, idéalement lors d’une même consultation, un vaccin dans chaque bras. L’expérience montre que cette co-administration est sans danger et n’altère pas l’efficacité des vaccins.
L’objectif reste le même : éviter les formes graves, préserver la capacité du système de soins et réduire le fardeau collectif d’épidémies devenues trop familières. « La prévention, rappelle Luc Ginot, n’est pas un supplément d’âme. C’est une condition de survie du système de santé. »
Vaccination des soignants : l'exemplarité attendue
La vaccination antigrippale n’est pas obligatoire pour les soignants, mais elle est très fortement recommandée. Les professionnels de santé ont, en effet, un risque majoré de contracter la grippe et peuvent, parallèlement, la transmettre à leurs patients. Et cela peut avoir des conséquences graves, notamment en milieu hospitalier et en Ehpad. Pourtant, les taux de couverture vaccinale observés chez les professionnels de santé demeurent très insuffisants, avec une baisse particulièrement marquée chez les personnels des Ehpad depuis la crise liée au Covid-19. « Les professionnels doivent se faire vacciner et faire vacciner leurs collaborateurs », insiste Luc Ginot, directeur de la Santé publique à l'ARS Île-de-France. C’est important pour la protection collective, la continuité des soins et la légitimité du message de prévention. »
Papillomavirus et méningocoques : vaccination gratuite dans les collèges franciliens
Depuis trois ans, l’Agence régionale de santé Île-de-France, en partenariat avec les trois rectorats (Versailles, Créteil et Paris), organise une campagne de vaccination gratuite contre les papillomavirus au sein des établissements scolaires franciliens. Nouveauté cette année, le vaccin contre les méningocoques sera également proposé aux élèves de 5ᵉ. Cette campagne s’inscrit dans une démarche de santé publique visant à renforcer la prévention d’infections graves et évitables chez les adolescents.
Juliette Vialet, cheffe de projet vaccination et Mahera Duporge, pharmacienne de santé publique au conseil départemental de Seine-Saint-Denis reviennent sur l’organisation de cette campagne.
Comment s’organise la vaccination dans les collèges en Seine-Saint-Denis ?
Juliette Vialet. C’est le département qui coordonne la logistique : plannings, autorisations parentales, équipes mobiles composées d’un prescripteur et d’un vaccinateur. La campagne, qui mobilise environ 140 collèges publics et privés volontaires, s’étend de décembre à juin, à raison d’un établissement par jour. Le collège est le lieu idéal pour faciliter l’accès de tous les adolescents à la vaccination contre les papillomavirus. C’est une mesure importante : les taux de couverture restent trop faibles, autour de 45 % chez les filles à 16 ans et 15 % chez les garçons. Pourtant l’efficacité de la prévention est prouvée : les pays ayant opté pour la vaccination en milieu scolaire il y a longtemps sont près d’éliminer les lésions précancéreuses.
Quels enseignements tirez vous des précédentes campagnes de vaccination scolaires menées depuis 2023 ?
Mahera Duporge. L’an passé, environ 1 570 élèves ont été vaccinés ce qui est un bilan objectivement décevant, en retrait par rapport à l’année précédente et très loin des scores nationaux. Certains collèges n’ont pas participé à la campagne faute d’avoir récupéré les autorisations parentales nécessaires. Celles-ci avaient été transmises aux parents sous forme dématérialisée, un frein significatif dans les zones où les difficultés sociales se conjuguent souvent à une faible culture de la prévention et à une précarité numérique. Mais nous savons que la campagne est pertinente : lors des deux premières saisons précédentes, nous avons pu vacciner de nombreux jeunes couverts par la CMU ou l’Aide Médicale d’Etat qui constituaient notre public prioritaire. Pour cette nouvelle campagne, nous revoyons les modalités : les autorisations seront préimprimées, doublées de flyers et une collaboratrice du centre de vaccination a été chargée de promouvoir la campagne auprès des infirmières scolaires, car, quand elles s’engagent, le nombre d’autorisations parentales augmente nettement.
Juliette Vialet. L’introduction du vaccin contre le méningocoque pourrait aussi changer la dynamique. La méningite, tout le monde en connait la gravité et, en outre, ce vaccin suscite moins de réticence que celui contre le HPV, souvent associé à la sexualité. Il peut être une porte d’entrée pour renforcer l’adhésion des parents.
Quels messages souhaitez-vous faire passer aux professionnels de santé ?
Mahera Duporge. Nous travaillons également avec les médecins traitants et les pharmaciens, devenus des acteurs clés de la prévention depuis le Covid. La moitié des 400 officines du département ont été contactées pour mieux comprendre leurs pratiques et identifier les freins. Leur relais est plus que jamais essentiel : ce sont eux qui peuvent, au quotidien, sensibiliser les parents et rappeler que la vaccination protège d’infections graves.
Pour en savoir plus sur la campagne de vaccination au collège
Bronchiolite : la prévention progresse rapidement
Après deux hivers de déploiement, la stratégie nationale de prévention du VRS porte ses fruits. En Île-de-France, la couverture atteint 80 % des nourrissons éligibles et les hospitalisations sont en recul. A l’approche de l’hiver, la prévention progresse mais doit encore être amplifiée
Infection respiratoire d’origine virale, la bronchiolite (principalement due au virus respiratoire syncytial – VRS) est une maladie hautement contagieuse qui touche en moyenne près de 30 % des nourrissons et jeunes enfants de moins de deux ans, principalement en automne et en hiver. Si la bronchiolite est le plus souvent bénigne, elle peut, dans certains cas, et plus spécialement pour les nourrissons de moins de deux mois, entraîner des complications sévères et conduire à une hospitalisation. En France, on estime que, chaque année, 2 à 3 % des bébés de moins de 1 an sont hospitalisés pour une bronchiolite.
Une maladie, deux dispositifs
Depuis deux ans, la France déploie une stratégie préventive à deux étages. Introduit à l’automne 2023, Beyfortus® – un anticorps monoclonal administré en une injection unique – protège les nourrissons dès la naissance contre les formes graves liées au VRS. En 2024, la prévention s’est élargie à la vaccination maternelle Abrysvo®, recommandée entre la 32ᵉ et la 36ᵉ semaine de grossesse, afin de transmettre au fœtus les anticorps nécessaires pour les premiers mois de vie. Ces deux approches, jugées équivalentes par la Haute Autorité de santé, offrent désormais aux familles et aux professionnels un choix adapté à chaque situation. L’an dernier, à l’issue de la première campagne de prévention complète, 80% de la population francilienne éligible a ainsi bénéficié d’une couverture vaccinale, un taux de pénétration particulièrement élevé pour un dispositif préventif récent, lié à la forte implication des professionnels et à la simplicité du protocole.
Un bilan très positif mais des écarts territoriaux
En Île-de-France, la campagne 2024-2025 a permis de constater les premiers effets de cette stratégie combinée. L’épidémie s’est révélée nettement moins intense que les précédentes : 9 452 passages aux urgences ont été enregistrés, contre plus de 12 000 en 2023-2024 et 14 700 en 2022-2023, et 2 659 hospitalisations ont été recensées. A l’échelle de toute la France, Santé publique France et l’Institut Pasteur évoquent près de 5 800 hospitalisations évitées lors de la période hivernale 2024-2025.
Dans notre région, des écarts de couverture s’observent toutefois entre départements, les territoires les plus fragiles demeurant moins bien protégés. L’immunisation en maternité reste un levier d’équité majeur, en garantissant un accès immédiat et gratuit à la prévention pour tous les nouveau-nés. Pour 2025-2026, l’enjeu est de consolider la coordination entre maternités, médecins, sage-femmes et pharmaciens. Par leur rôle d’information, de prescription et d’orientation, les professionnels de santé seront plus que jamais les premiers acteurs de la prévention.
Quel coût pour les parents ?
- La vaccination maternelle Abrysvo® est prise en charge à 100% par l’assurance maternité (Femme enceinte entre 32 et 36 semaines d’aménorrhée).
- Pour les nourrissons nés entre septembre et la fin de la campagne d’immunisation annuelle début 2026 (en fonction de l’épidémie), le médicament Beyfortus® administré directement à la maternité est gratuit et sans avance de frais
- Ceux qui sont nés entre février et août 2025 pourront recevoir leur injection de Beyfortus® en ville (généralistes, pédiatres, sage-femmes, PMI…). Dans ce cas, Beyfortus est remboursé à hauteur de 30% par l’Assurance Maladie et intégralement avec la C2S ou l’AME, le reste à charge pouvant être couvert par les organismes complémentaire santé.





