Médecin libéral et en CEGIDD : "deux modes d'exercice complémentaires"

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Rencontre avec le Dr Benjamin Schwab, médecin généraliste à mi-temps entre cabinet de ville et CEGIDD rattaché à l’hôpital Ambroise Paré.

 

Quel est votre parcours ?

Je suis au départ médecin généraliste. Cette spécialité me plait particulièrement que je peux tout soigner. En effet, chaque patient que je vois dans mon cabinet est différent et a une pathologie qui s’exprime différemment : j’aime que mon exercice de la médecine soit aussi complet pour continuer à mobiliser toutes mes connaissances et compétences. 

J’ai fait ma thèse sur la PreP et c’est ce qui m’a guidé, en partie vers le CeGIDD. Il y avait beaucoup d’hostilité à l’époque vis-à-vis de ce traitement et je voulais savoir si en formant les médecins, ils la prescriraient plus et mieux. A la fin de ma thèse, j’ai eu 2 propositions concomitantes : le CeGIDD d’Ambroise Paré et la Maison du chemin vert qui est une structure médicale pluridisciplinaire. Je pensais que je devais choisir, mais j’ai eu la chance d’être retenu pour un poste de médecin partagé ville-hôpital à la suite de l’appel à candidature de l’ARS. 

Cette répartition du temps de travail m’a beaucoup plus et, c’est pourquoi, je travaille encore à mi-temps ville-hôpital.

Comment définiriez-vous la santé publique ?

La santé publique, pour moi, est une santé de proximité avec les usagers, c’est adapter ses soins et son discours à la population voire à la personne que l’on prend en charge. Cela passe, par exemple, par des campagnes de prévention qui sont ciblées ou adaptées à un certain public. Lors des maraudes, je dois, également, m’adapter à la personne que j’ai en face de moi.

Quel est l’apport du travail d’un médecin dans votre structure ?

En tant que médecin, j’ai bien sûr la responsabilité médicale du CeGIDD lorsque je suis là. Cependant, il n’y a pas de hiérarchie autour de moi : chaque personne possède ses compétences et ses domaines de prédilection, mais nous faisons tous notre travail dans l’intérêt du patient. En tant que jeune médecin, il est important de comprendre que nous ne sommes pas « tout sachant » et que nous avons besoin des autres pour soigner et aider.

Nous sommes tous autant important : la médiatrice en santé, le sexologue, la psychologue, les secrétaires, l’équipe de services sociaux, … En plus d’une adaptation quotidienne à ce qui est de mieux pour nos patients, nous faisons des réunions mensuelles pour parler de ceux récurrents qui mériteraient un autre type d’accompagnement et nous parlons, également, de nos projets pour l’établissements. C’est, ainsi, que nous avons pu intervenir dans des collèges et lycée ou dans un festival. L’engagement de toute l’équipe permet ce genre d’actions de prévention.

Quels sont les enjeux de soins pour les populations que vous accompagnez ?

Au CeGIDD d’Ambroise Paré, nous avons des populations éclectiques : nous sommes proches du 16ème et du bois de Boulogne. Notre file active est composée principalement d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et de travailleur.se.s du sexe (femme transgenre). 

Avant d’arriver je n’avais pas vraiment d’a priori sur la prostitution, mais beaucoup de personnes de mon entourage avait des représentations faussées. Lors des maraudes dans le bois de Boulogne, on rencontre des personnes qui n’ont pas envie d’arrêter leur métier, on les accompagne vers une pratique moins dangereuse grâce à des outils (préservatifs) et autres conseils visant la réduction des risques.

Certaines personnes qui viennent consulter sont stressées ou inquiètes sur ce qu’ils ont fait, nous devons d’une part faire une prise en charge psychologique et d’autre part une prise en charge médicale. L’un ne va pas sans l’autre car on ne peut pas dialoguer avec un patient qui est en état de choc. Nous pouvons aussi avoir besoin d’un regard holistique lorsque des patients en réidentification consultent car c’est leur santé sexuelle qui est en changement. Il s’agit d’avoir une délicatesse d’esprit que l’on apprend au fil du temps grâce à nos collègues.

Est-ce qu’il y a des évolutions dans la couverture et le maillage des établissements médico-sociaux ?

On fait de l’aller-vers pour ramener-vers : le retour au soin se fait grâce aux maraudes. Ils consultent en premier lieu notre CeGIDD et on peut ensuite les orienter vers d’autres structures avec lesquelles nous avons construit des partenariats. C’est le cas pour le CSAPA Trait d’Union pour les personnes ayant des addictions, ou encore le planning familial de Corentin Celton : cela permet de renforcer la pluridisciplinarité des équipes respectives et, donc améliorer la prise en charge globale du patient. C’est, encore, un bon exemple de l’importance d’une coordination territoriale et d’une équipe variée dans l’intérêt du patient. Il faut toujours garder en tête que l’on agit pour et dans le respect des droits d’autrui.

Voyez-vous des avantages à l’exercice à l’hôpital par rapport au libéral ? 

Personnellement, je ne me vois pas faire l’un sans l’autre et d’ailleurs l’un facilite l’autre. En effet, avoir une vie de famille alors que les horaires en cabinet sont aléatoires et que nous pouvons finir très tard le soir, c’est compliqué. Il ne faut pas oublier que nous sommes comme des entrepreneurs, nous avons nos patients à voir, mais aussi la comptabilité à faire et les charges de fonctionnement à payer. Autant de choses qui n’existent pas dans le salariat : j’ai des rendez-vous avec mes patients, mais je peux choisir d’en voir moins pour prendre plus de temps avec chacun d’eux car je n’ai pas ce même besoin de rentabilité. Je l’ai déjà dit, mais c’est aussi agréable de travailler auprès d’une équipe pluridisciplinaire et d’avoir un plateau technique directement sur place. L’hôpital m’offre un cadre et un revenu stable grâce auquel je peux profiter de ma vie extra-professionnelle.