Interlocuteurs de premier recours dans la majorité des situations, les médecins généralistes occupent une place centrale dans la prise en charge des problématiques de santé mentale : un tiers de leurs consultations concerne des problématiques psychiques. Beaucoup expriment pourtant un sentiment d’isolement face à des situations complexes.
Par ailleurs, l’accès aux soins somatiques s’avère plus compliqué pour les patients atteints de troubles psychiques. Ce qui se traduit par une espérance de vie réduite de 10 à 20 ans.
C’est pourquoi l’enjeu de renforcer les liens entre médecine de ville et psychiatrie — qu’elle soit hospitalière ou libérale — est déterminant. En Île-de-France, la mise en œuvre de cette approche graduée s’appuie sur une diversité de dispositifs qui couvrent l’ensemble du parcours de soins : de la médecine de ville aux prises en charge spécialisées en psychiatrie.
Le premier recours : médecine de ville et accompagnement psychologique
La première étape de ce parcours repose sur les professionnels de santé de proximité. Les médecins généralistes, psychologues libéraux, maisons de santé pluriprofessionnelles ou centres de santé constituent les interlocuteurs privilégiés pour une première rencontre, un repérage précoce, une prise en charge adaptée pour des situations non sévères / non complexes et, le cas échéant, une orientation vers un accompagnement adapté.
Pour soutenir cette première ligne, plusieurs leviers complémentaires existent
- Le dispositif Mon soutien psy permet aux personnes âgées de trois ans et plus, souffrant de troubles psychiques d’intensité légère à modérée (anxiété, dépression, troubles du comportement alimentaire…), de bénéficier jusqu’à 12 séances par an avec un psychologue conventionné, prises en charge par l’Assurance Maladie. Depuis sa révision, la prescription médicale n’est plus obligatoire, ce qui facilite l’accès direct au soin.
- L’ARS finance également des postes de psychologues dans des structures de soins coordonnés, telles que les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou les centres de santé, afin de renforcer l’offre de soutien psychologique de proximité.
- Le dispositif SÉSAME (Soins Et Soutien en Médecine gÉnÉrale pour les troubles mentaux frEquents) propose une organisation innovante : un infirmier expérimenté en psychiatrie intervient sur indication du médecin généraliste, pour évaluer et accompagner les patients, en lien avec un psychiatre référent qui n’est pas en contact direct avec la personne suivie. Ce modèle permet de maintenir en soins de ville des patients présentant des troubles fréquents (troubles anxieux et/ou dépressifs modérés voire sévères), tout en renforçant la coordination entre professionnels. Déployé depuis 2019 dans le cadre sous un format expérimental, SÉSAME existe dans cinq des huit départements franciliens (Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-d’Oise). L’expérimentation mobilise près de 80 médecins généralistes, 8 infirmiers et 8 psychiatres, avec un objectif de suivi de 2 910 patients d’ici à 2026, dans une perspective de généralisation au niveau national.
La psychiatrie de secteur : un ancrage territorial pour les soins spécialisés
Lorsque la situation le nécessite, le parcours de soins s’appuie sur l’organisation territoriale de la psychiatrie publique, structurée en secteurs de psychiatrie : environ 150 pour les adultes et 50 pour les enfants et adolescents en Île-de-France, couvrant l’ensemble du territoire.
Chaque secteur comprend un ou plusieurs centres médico-psychologiques (CMP), qui assurent une prise en charge ambulatoire et sans reste à charge. Ces CMP constituent la principale porte d’entrée vers les soins spécialisés : ils permettent l’évaluation, l’orientation, la mise en place de la prise en charge, et mobilisent si besoin des structures complémentaires comme les hôpitaux de jour, les unités d’hospitalisation ou les équipes mobiles. En 2024, l’Île-de-France compte 174 CMP adultes et 190 CMP enfant et adolescents, auxquels s’ajoutent une dizaine de CMP non sectorisés.
Mieux articuler les niveaux de recours
Pour garantir un réel continuum de prise en charge, l’ARS Île-de-France soutient également le développement de soins partagés entre les équipes de psychiatrie et la médecine de ville. Ces coopérations, initiées localement, visent à éviter les ruptures de parcours et à proposer des prises en charge conjuguées.
Par ailleurs, des infirmiers en pratique avancée (IPA) sont progressivement intégrés dans certains CMP. Un de leur rôle : faciliter la coordination entre soins psychiatriques et médecine générale, accompagner les patients dans la recherche d’un médecin traitant, et assurer un suivi somatique renforcé, dans une logique de prévention des comorbidités. Dans le Val-de-Marne, le projet Emissaires, met les IPA en santé mentale au coeur du soin.
Mieux orienter les usagers et les professionnels
L’ARS soutient la publication des Guides départementaux Santé mentale édités par Psycom, un organisme public d'information sur la santé mentale et de lutte contre la stigmatisation. Conçus comme des annuaires de ressources, ces guides recensent notamment les lieux de soins et d’accueil psychiatriques, les dispositifs médico-sociaux pour les personnes en situation de handicap psychique, les associations d’usagers et les Groupes d’entraide mutuelle (GEM), des informations sur les droits des usagers, les partenaires institutionnels et les ressources documentaires utiles sur un département.
Podcast - Santé mentale : repenser les parcours de soin
Episodes dépressifs, anxiété, suicide… La santé mentale des Français ne cesse de se dégrader depuis la crise sanitaire. Un phénomène qui impacte notre système de santé et nécessite de repenser l’organisation des soins. Alors que la santé mentale est la grande cause nationale 2025, ce nouvel épisode de Diagnostic met en lumière deux parcours de soins innovants pour la prise en charge des patients atteints de troubles psychiques. Avec Wuthina Chin, cheffe de projet santé mentale et psychiatrie à l’ARS Ile-de France, Johanna Couvreur, directrice du projet Sésame et Malasi Sonethavy, Infirmière de pratiques avancées.