Qu’est-ce qu’un polluant organique persistant (POP) ?
Les polluants organiques persistants sont des composés persistants, bioaccumulables et toxiques. Parmi les POP, on distingue différentes familles de composés dont les dioxines (PCDD), les furanes (PCDF), les polychlorobiphényles (PCB) et les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS).
- Les dioxines (PCDD) et furanes (PCDF) sont des sous-produits indésirables de la combustion des déchets (incinération des ordures ménagères, brûlage de déchets verts…) et de certains procédés industriels (blanchiment des pâtes à papier par exemple) qu’on peut retrouver dans l’environnement du fait de rejets passés ou actuels. Les émissions de ces molécules, liées aux activités autorisées d’incinération, dans l’atmosphère ont fortement réduit au cours des dernières décennies avec la mise en place de procédés de traitement de plus en plus efficaces.
- Les polychlorobiphényles (PCB) constituent une famille de molécules chimiques de synthèse, massivement utilisée au cours du 20ème siècle pour de multiples usages en raison de leurs propriétés physico-chimiques (lubrifiant, isolant). Leur production et leur utilisation est totalement interdite depuis 1987. Leur présence dans l’environnement est principalement due aux anciens usages en milieu urbain (adhésifs, huiles, peintures…) et à des pollutions accidentelles et localisées (par exemple une fuite d’huile dans les transformateurs électriques où le pyralène était utilisé comme isolant électrique).
- Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) également appelées composés perfluorés (PFC) constituent une famille d’environ 4000 molécules chimiques de synthèse, utilisées depuis 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, résistantes aux fortes chaleurs et imperméabilisantes dans diverses applications industrielles et produits de consommation : textiles, emballages alimentaires, ustensiles de cuisine, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, produits de nettoyage, etc.
Les dioxines, les furanes et les PCB sont lipophiles, se concentrent donc dans les tissus graisseux des organismes vivants, et s’accumulent tout au long de la chaine alimentaire. Les aliments les plus fortement contaminés sont les produits d’origine animale riches en lipides, notamment le beurre, les fromages, certaines viandes, les œufs et les poissons gras mais également dans d’autres produits de la mer (crustacés et mollusques).
Chez l’homme, compte tenu de leur caractère lipophile, les dioxines, furanes et PCB se distribuent et s’accumulent majoritairement dans le foie et les tissus graisseux. Elles traversent la barrière placentaire et sont excrétées dans le lait maternel.
Contrairement à la majorité des POP, les molécules de PFAS présentent des propriétés chimiques les rendant à la fois hydrophile et lipophile. Ils s’accumulent peu dans les tissus graisseux et se distribuent majoritairement dans le foie, le sang, les poumons, les reins et les os.
Quels sont les sources et modes d’exposition humaine à ces polluants ?
L’alimentation constitue la principale source d’exposition humaine pour les quatre familles de POP (plus de 90% de l’exposition totale).
Les aliments les plus fortement contaminés sont les produits d’origine animale riches en lipides, notamment le beurre, les fromages, certaines viandes, les œufs et les poissons gras mais également certains produits de la mer (crustacés et mollusques).
La consommation de fruits et légumes participent à l’exposition de la population mais elle reste marginale par rapport aux apports via les produits d’origine animale.
La consommation d’eau de boisson peut également être une source d’exposition aux PFAS.
Certains PFAS sont également utilisés dans la formulation des matériaux au contact des denrées alimentaires (MCDA), principalement les emballages en papier ou carton comme constituants de barrières étanches vis-à-vis des aliments, notamment liquides. Une contamination de l’alimentation est donc possible du fait de la migration des PFAS présents dans les emballages en papier et carton vers les aliments. Néanmoins, la plupart des PFAS sont rarement mesurés à des niveaux quantifiés dans les aliments. Le PFOS est le composé perfluoré le plus souvent quantifié dans l’alimentation.
On les retrouve également dans certains revêtements antiadhésifs des ustensiles de cuisine (poêles, casseroles…).
Le contact direct avec les produits manufacturés dans lesquels les PFAS sont utilisés, peut constituer une source d’exposition via l’absorption cutanée et l’ingestion involontaire (contact main-bouche). Cette voie d’exposition concerne essentiellement le contact avec les textiles, en particulier les vêtements imperméabilisés qui constituent la principale source d’utilisation des PFAS (au niveau mondial près de 50 % des PFAS produits sont utilisés pour la fabrication des vêtements).
Pour l’ensemble des POP, l’exposition humaine peut également se faire par inhalation via l’air ambiant. L’ingestion de poussières contaminées est également une voie d’exposition possible. Ces voies d’expositions restent néanmoins minoritaires par rapport à la voie alimentaire.
L’étude Esteban réalisée par Santé publique France rapporte également que certaines habitudes ou conditions sont significativement liées à une sur-imprégnation aux dioxines, furanes et PCB. C’est notamment le cas de la consommation de produits d’origine animale auto-produits. De même, l’usage fréquent du barbecue, un logement mal aéré ou sans ventilation efficace dans la cuisine ou dans la salle de bain, ainsi que l’utilisation régulière de pesticides seraient associés à une sur-imprégnation en dioxines et furanes. L’âge ou la corpulence, mesurée par l’indice de masse corporelle (IMC), constituent également des éléments intervenant dans l’imprégnation.
Quels sont les risques pour la santé ?
La consommation régulière d’aliments contaminés par les POP entraîne une imprégnation progressive de l’organisme qui peut avoir des effets sur la santé à long terme, comme une augmentation du risque de cancer, de troubles de la fertilité et de la grossesse, de certaines maladies métaboliques (diabète ou augmentation du taux de cholestérol) et des effets perturbateurs endocriniens.
L’exposition aux PFAS est également associée à une diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination, constituant, selon l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) l’effet le plus critique pour la santé humaine.
Est-ce que certaines catégories de population sont plus sensibles que d’autres ?
L’exposition aux POP s’étendant tout au long de la vie, l’ensemble de la population est concerné. Néanmoins, en raison de leur caractère perturbateur endocrinien, les POP sont susceptibles d’interférer dans le développement de l’enfant en particulier sur les fonctions du système nerveux, du système immunitaire et sexuelles.
Cela explique que la recommandation sanitaire de l’ARS de ne pas consommer les œufs de poule élevées dans des poulaillers familiaux vise plus particulièrement les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes.
Les jeunes enfants sont-ils susceptibles de s’exposer plus que les autres catégories de population ?
L’exposition majoritaire des jeunes enfants, comme pour tout le reste de la population, est liée à leur alimentation.
En raison de leur comportement « mains bouche » (le fait de porter à la bouche ce que les jeunes enfants touchent et manipulent avec leurs mains), les jeunes enfants sont susceptibles lorsqu’ils jouent par terre d’ingérer des poussières de sol et donc de s’exposer par ce biais. Les études de ce comportement permettent d’estimer qu’un jeune enfant ingère environ 100 mg de poussières et particules de terre par jour.
Même en considérant le scénario d’exposition le plus défavorable sanitairement (un enfant de 15kg s’exposant 7 jours sur 7 aux poussières d’un sol particulièrement contaminé en polluants organiques persistants), l’exposition par la voie alimentaire reste toujours prépondérante par rapport à l’exposition par ingestion de poussières. On peut donc en conclure que les activités de jeux d’un jeune enfant dans un jardin, un parc ou une aire de jeux ne sont pas à l’origine d’un risque de surexposition.
Par contre, dans le cadre de l’étude menée par l’ARS et publiée en novembre 2023 concernant la contamination des œufs issus de poulaillers domestiques, il a été démontré que dès la consommation d’un œuf par semaine, un enfant de 15 kg dépasserait la dose hebdomadaire tolérable fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) fixée à 2 picogrammes par kilogramme de poids corporel par semaine. C’est pourquoi la recommandation sanitaire formulée par l’ARS d’éviter de consommer régulièrement les œufs d’origine domestique dans l’aire urbaine de Paris, si elle est destinée à toute la population, s’applique tout particulièrement aux jeunes enfants et aux femmes enceintes et allaitantes.
Comment puis-je savoir si je suis personnellement contaminé(e) par les polluants organiques persistants ?
Il est possible de réaliser un dosage biologique des différents polluants organiques persistants dans l’organisme. Ce dosage se fait à partir d’un échantillon de sang. Néanmoins, il n’existe pas de seuil sanitaire auquel comparer la valeur du dosage sanguin permettant de caractériser un niveau de risque pour la santé. Le dosage biologique des POP est aujourd’hui réservé aux salariés qui y sont régulièrement exposés dans le cadre de leur activité professionnelle.
En conséquence, dans l’état actuel des connaissances disponibles, il n’existe aucune indication médicale justifiant de réaliser un dosage biologique des polluants organiques persistants chez les consommateurs d’œufs de poules domestiques.
En l’absence de traitement permettant d’éliminer les polluants organiques persistants de l’organisme, la seule mesure de prévention pertinente est l’arrêt de la consommation des œufs de poule domestiques, et plus généralement, de réduire la part des produits gras d’origine animale dans son alimentation.
Existe-t-il des traitements médicaux pour éliminer les polluants organiques persistants présents dans notre corps ?
Il n’existe à ce jour aucun traitement pour éliminer les polluants organiques persistants présents dans l’organisme.
La principale mesure de prévention consiste à réduire ou éviter la consommation de produits alimentaires les plus contaminés, en particulier, pour l’Île-de-France, les œufs issus de poulaillers domestiques installés dans l’aire urbaine de Paris, ainsi que la chair des poules.
Pour rappel, l’ARS Île-de-France a publié en novembre 2023 son étude montrant une contamination des œufs de poules élevées dans des poulaillers familiaux à des niveaux exposant les consommateurs réguliers à un risque de sur-imprégnation aux polluants organiques persistants.
En conséquence, l’Agence régionale de santé Île-de-France recommande aux Franciliennes et Franciliens d’éviter la consommation d’œufs de poule issus d’élevages domestiques situés uniquement dans les communes de l’unité urbaine de Paris (soit les 406 communes constituant l’agglomération parisienne selon la définition de l’INSEE). La consommation d’œufs autoproduits moins d’une fois par semaine reste néanmoins envisageable, mais particulièrement non recommandée pour les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes.