Polluants organiques persistants (POP) et environnement des incinérateurs

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Les incinérateurs de déchets suscitent des interrogations quant à leur contribution aux polluants organiques persistants (POP) dans l’environnement. Retrouvez plus d'informations dans la foire aux questions ci-dessous.

Y-a-t-il un lien entre les niveaux de contamination et la présence d’un incinérateur à proximité ?

L’étude menée par l’ARS et publiée en novembre 2023 comporte des sites situés sous l’aire d’influence des rejets d’incinérateur (estimée à 3km de rayon autour des incinérateurs) et des sites situés hors de ces zones d’influence. 

Les résultats ne montrent pas de différences significatives entre les points autour des incinérateurs et les points témoins. On peut trouver des valeurs basses à proximité des incinérateurs et des valeurs hautes dans les points témoins.

Ce constat ne signifie pas que les incinérateurs n’ont pas contribué aux pollutions historiques des sols prélevés. 

J’habite ou je travaille à proximité d’un incinérateur, dois-je m’inquiéter ?

Les incinérateurs de déchets produisent des dioxines et furanes (phénomène lié à la combustion des déchets). Ce sont des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) qui sont soumises aux règles du code de l’environnement (dont le contrôle du respect relève des compétences de la DRIEAT et des préfets de département).  

Une surveillance leur est imposée concernant les dioxines et furanes. La réglementation a évolué depuis le milieu des années 80, conduisant à réduire très significativement les rejets actuels de dioxines et furanes par ces incinérateurs.

Airparif a publié en août 2018 une étude sur les dioxines dans l’air francilien. Cette étude a relevé des teneurs en dioxines et furanes à proximité des centres d’incinération comparables à celles observées en milieu urbain. 

En outre, la voie d’exposition par inhalation est jugée très marginale par rapport à la voie par ingestion, liée à l’alimentation et plus particulièrement la consommation de certains produits d’origine animale.

Par ailleurs, une étude d’imprégnation réalisée par Santé publique France, publiée en 2009, montre que les concentrations sanguines moyennes de dioxines sont similaires chez les personnes exposées et non exposées aux émissions d’incinérateurs. Il n’a ainsi pas été mis en évidence de sur-imprégnation significative due à l’exposition par inhalation aux dioxines et PCB des riverains des incinérateurs dans cette étude.

Deux nouvelles études menées par l’ONG Toxicowatch concernant l’environnement d’Ivry-sur-Seine ont été publiées en avril et septembre 2025, quelles informations nouvelles apportent-elles sur le plan des risques pour la santé humaine ?

L’étude publiée en avril 2025

Cette étude porte sur la contamination de l’environnement par différents polluants : la famille des polluants organiques persistants et la famille des éléments traces métalliques (également appelés métaux lourds).

Des prélèvements de végétaux (mousses de type bryophytes, aiguilles de conifères) et de sol ont ainsi été réalisés dans plusieurs sites à proximité de l’incinérateur d’Ivry et sur plusieurs sites témoins, situés à distance de cet incinérateur.

Les résultats de ces analyses permettent de caractériser un état de contamination de l’environnement sans pour autant permettre d’identifier l’origine des contaminations. On notera d’ailleurs que les prélèvements sur les sites témoins, comme ceux autour de l’incinérateur, sont contaminés aussi bien par les polluants organiques persistants que par les éléments traces métalliques.

Les résultats de ces nouvelles analyses de sols confortent la conclusion de l’étude publiée par l’ARS en novembre 2023 qui faisait le constat d’une contamination ubiquitaire des sols urbains. Les niveaux de contamination par les POP mesurés dans cette étude restent dans la gamme des valeurs rencontrées lors de l’étude ARS et ne remettent pas en question les conclusions de l’étude ARS.

Quelques analyses des éléments traces métalliques dans les sols d’une cour d’école et de jardins de crèche montraient des valeurs supérieures aux référentiels sanitaires pour le plomb et le cadmium. L’ARS a fait réaliser de nouvelles analyses qui ont confirmé le dépassement du seuil de vigilance sanitaire de 100 mg/kg pour le plomb (établi par le Haut Conseil de Santé Publique) au sein d’un terre-plein de l’école (valeur mesurée de 140 mg/Kg) et en a informé le maire d’Ivry-sur-Seine qui a pris les mesures pour remplacer la terre contaminée.

Les analyses réalisées sur les végétaux (bryophytes et aiguilles de conifères) ne fournissent pas d’informations exploitables pour caractériser une exposition humaine, par voie aérienne. En tout état de cause, l’exposition aux POP et aux ETM par inhalation reste très marginale par rapport à l’exposition via l’alimentation.

En conclusion, l’étude publiée en avril 2025, si elle permet de compléter la documentation des contaminations environnementales, n’apporte pas d’éléments nouveaux qui conduiraient l’ARS Île-de-France à réévaluer le niveau de risque sanitaire pour la population avoisinante de l’incinérateur d’Ivry. 

Etude publiée en septembre 2025

L’étude publiée en septembre 2025 a analysé les poussières récupérées dans les centrales de traitement de l’air de 5 écoles différentes à Ivry, fonctionnant à priori toutes avec un système de ventilation mécanique par insufflation. Ce système comprend une prise d’air neuf, en général en toiture, qui passe par un filtre pour éliminer les plus grosses particules avant d’être diffusé sous pression à l’intérieur du bâtiment. L’air vicié est en général éliminé par des bouches d’aération dans les pièces humides, avec une aspiration active (ventilation mécanique).

Les POP peuvent se retrouver dans l’atmosphère sous forme d’aérosols ou sous forme de gaz qui s’agglomèrent aux particules en suspension. Il est donc normal de trouver des POP dans les poussières des filtres des centrales de traitement de l’air qui assurent le renouvellement de l’air à l’intérieur des écoles.

Les analyses ont montré notamment la présence de PFAS, composés per et polyfluoroalkylés, inclus dans la famille des polluants organiques persistants. A l’inverse des dioxines et furanes produits lors des phénomènes de combustion, les PFAS sont des molécules qu’on retrouve dans de nombreux produits de la vie courante et sont donc présentes dans les déchets ménagers. Les PFAS sont en grande partie détruits par la chaleur mais certaines molécules y résistent (cf. étude de l’INERIS) et peuvent être émises lors de l’incinération de déchets. La présence de PFAS dans l’air ambiant peut donc en partie venir de l’activité d’incinération mais elle est également diffuse dans l’ensemble des compartiments environnementaux, en raison de la dégradation des produits qui en contiennent (par abrasion par exemple), conduisant à sa présence dans l’air. Il n’est donc pas anormal d’en trouver dans les poussières récoltées dans les filtres à air.

Il est impossible de déduire le niveau d’exposition des occupants des écoles dans l’air ambiant à partir des résultats des analyses de poussières des filtres. La concentration des PFAS dans les poussières est le résultat du piégeage des particules au cours de l’aspiration d’air en continu pendant plusieurs mois par les filtres installés dans les centrales de traitement de l’air.

Les techniques d’analyse des PFAS dans l’air ambiant sont complexes à mettre en œuvre et très peu d’études ont été menées à travers le monde pour mesurer leur concentration dans l’air ambiant. Actuellement en France, des travaux sont menés par l’association de surveillance de la qualité de l’air de la région Auvergne Rhône-Alpes (ATMO AuRA) pour mettre au point une méthode de prélèvement et d’analyse robuste, sachant qu’aucune méthode standardisée n’existe actuellement au niveau mondial. Il n’existe aucune valeur réglementaire des PFAS dans l’air non plus.

Comme pour tous les polluants qu’on peut trouver dans l’air, la première mesure de prévention est d’assurer un renouvellement satisfaisant de l’air à l’intérieur des bâtiments. En effet, les polluants de l’air ont tendance à s’accumuler à l’intérieur des espaces clos (les matériaux, les mobiliers et les produits de consommation peuvent aussi émettre des polluants).

Enfin, pour les dioxines, furanes et PCB, la littérature scientifique précise que l’exposition par la voie aérienne reste mineure par rapport à la voie principale d’exposition : notre alimentation et en particulier la consommation de produits d’origine animale gras. Pour les PFAS, les sources d’exposition sont plus diverses et peuvent, outre la consommation de produits d’origine animale, aussi concerner des activités de loisir et de bricolage, comme l’indique l’étude de Santé Publique France

En conclusion, l’étude publiée en septembre 2025 contribue à compléter la documentation des contaminations environnementales mais ses résultats ne conduisent pas à modifier l’analyse des risques sanitaires de l’ARS pour la population vivant à proximité de l’incinérateur d’Ivry. 

Puis-je consommer les fruits et légumes que je cultive dans mon jardin individuel ou dans un jardin collectif ?

La consommation de fruits et légumes autoproduits, dans un jardin individuel ou dans un jardin collectif, semble contribuer à l’exposition humaine.

Ainsi, Santé Publique France indique, dans les rapports d’imprégnation humaine aux POP issus de l’interprétation des résultats de l’étude ESTEBAN, que les personnes qui consomment fréquemment des aliments d’origine végétale en provenance du jardin (fruits, légumes et céréales) présentent des niveaux d’imprégnation par les dioxines, furanes et les PCB « dioxin-like », 11 % à 12 % plus élevés, que les personnes ne consommant pas d’aliments d’origine végétale provenant du jardin.  

Les PFAS, en raison de leurs propriétés chimiques les rendant en partie hydrophiles, semblent s’accumuler plus que les autres familles de POP dans les fruits et légumes que les autres polluants organiques persistants. 

La consommation régulière de légumes et fruits autoproduits apparait donc comme une source d’exposition aux polluants organiques persistants mais reste, dans le cadre d’un régime alimentaire diversifié, minoritaire par rapport à celle liée à la consommation des produits d’origine animale. 

Il est rappelé la nécessité de bien laver ses fruits et légumes feuilles et de bien éplucher les légumes racines et tubercules avant leur consommation pour éliminer les particules de terre présentes à leur surface pouvant contribuer à l’exposition.

L’activité de jardinage peut également être une source d’exposition par ingestion fortuite de particules de terre. Il est donc important de bien se laver les mains après toute activité en contact avec la terre.