Dans les coulisses du Service d’Accès aux Soins

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Opérationnel dans toute l’Île-de-France, le Service d’accès aux soins (SAS) vient apporter, partout et à toute heure, une réponse supplémentaire aux patients confrontés à un besoin de soins non programmés grâce à une chaîne de soins coordonnée entre les acteurs de santé de l’hôpital et de la ville.

Vieillissement de la population, prévalence des maladies chroniques en hausse, isolement social… Depuis plusieurs années de multiples facteurs mettent l’offre de soins en tension entrainant la saturation des services d’urgence et des difficultés croissantes de la médecine générale à répondre à la demande des patients. Face à cette situation, le ministère de la Santé et de la prévention a décidé d’apporter une réponse supplémentaire aux patients confrontés à un besoin de soins urgents ou non programmés en déployant dans toute la France des Services d’Accès aux Soins (SAS) organisés à l’échelle départementale. Prévu par le Pacte de refondation des urgences de 2019 et testé en phase pilote dans toutes les régions, ce dispositif est déployé dans 80% du territoire Français. « En Île-de-France, le SAS est d’ores et déjà mis en œuvre dans tous les départements, annonce Jane-Lore Mazué, responsable du département soins non programmés au sein de la direction de l’offre de soins de l’Agence régionale de santé. C’est le fruit d’un chantier de grande ampleur ; il s’est déroulé sur deux années avec une forte mobilisation des délégations départementales qui ont joué un rôle central auprès des acteurs de la collaboration ville-hôpital. »

Une mécanique bien rodée

L’enjeu du SAS est clair : permettre à tous les citoyens d’accéder partout et à toute heure à un professionnel de santé à même de prendre en charge leurs besoins de soins non programmés quand ils sont loin de chez eux ou lorsque leur médecin traitant n’est pas disponible dans les 48h. « Si l’on ne trouve pas de solution de prise en charge par soi-même, un simple appel au 15 évite de se rendre aux urgences en désespoir de cause », indique Anne-Pascale Gagny, cheffe de projet au sein du département soins non programmés. 
En coulisses, la mécanique du SAS est désormais bien rodée. Lors d’un appel au 15, le premier contact est assuré par un assistant de régulation médicale qui a une expertise de qualification des appels à caractère urgent. C’est lui qui priorise et oriente les patients vers la filière adaptée à leur situation : filière urgences (SMUR, services d’urgences) lorsqu’une prise en charge sans délais s’impose, ou filière médecine de ville quand la demande relève des soins non programmés. 

Médecins régulateurs et opérateurs de soins non programmés : un tandem efficace

Jane-Lore Mazué

 Dans ce dernier cas, un plateau spécifique de régulation prend le relais. Fonctionnel 24h/24, 7j/7 il réunit des médecins régulateurs libéraux ainsi que des opérateurs de soins non programmés en journée. « Ceux-ci ont pour mission de gérer la prise de rendez-vous avec les médecins dits "effecteurs" pour recevoir les patients envoyés par le SAS », détaille Jane-Lore Mazué. Pour ce faire, les opérateurs de soins non programmés s’appuient sur une plateforme numérique nationale portée par le ministère de la Santé et de la Prévention qui recense toutes les structures de soins en ville et permet d’agréger la disponibilité des médecins effecteurs soit par l’interface automatique de leur logiciel de prise de rendez-vous soit en donnant une visibilité sur des créneaux disponibles pour recevoir des patients en consultation de soins non programmés. 

Des comportements qui évoluent

Mis en place progressivement tout au long de 2022 et 2023 en s’appuyant sur les acquis du dispositif de Permanence des Soins Ambulatoires, les 8 SAS d’Île-de-France fédèrent à ce jour environ 900 médecins effecteurs participants au total, avec des effectifs assez variables en fonction des départements, en lien avec les dates de démarrage des SAS.

Anne-Pascale Gagny

« Les plateaux de régulation comptent pour leur part trois opérateurs de soins non programmés dédiés et trois lignes de régulation, voire quatre dans certains départements. Avec plus de 15 000 rendez-vous pris depuis le déploiement du premier SAS on ne peut que constater que le service améliore significativement la réponse aux demandes de soins non programmés, poursuit Anne-Pascale Gagny.  Nous remarquons déjà une évolution dans les attentes et le comportement de la population qui a recours au 15, ils savent désormais qu’ils pourront y trouver d’autres solutions que les urgences. De leur côté les délégations départementales vont intensifier leur communication à ce sujet-là pour mieux ancrer le dispositif dans les réflexes des franciliens. » D’autres chantiers concernant le SAS sont également prévus cette année. Ils porteront notamment sur le suivi de la montée en charge, l’évaluation, sur le développement de la plateforme numérique, l’élargissement à d’autres professionnels de santé (infirmiers, sages-femmes, dentistes…) ainsi que sur le déploiement de filières spécialisées, en particulier pour la gériatrie et la psychiatrie (voir ci-dessous).

Une régulation psychiatrique au SAMU de Paris

Gaëlle Abgrall
Dr. Gaëlle Abgrall

 Depuis plusieurs années, le Samu de Paris s’efforce d’améliorer la réponse pré-hospitalière aux nombreux appels de nature psychiatrique qui affluent chaque jour vers le 15. Désormais, parallèlement au SAS de médecine générale, il dispose aussi d’une ligne dédiée à la psychiatrie ouverte tous les jours de 8h à minuit. « Ce dispositif est l’aboutissement d’une expérimentation lancée en 2021 dans le cadre d’un appel à projet du Fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie et développée avec le soutien de la délégation de Paris de l’ARS », explique le Dr Gaëlle Abgrall, responsable de la Cellule d'Urgence Médico-Psychologique de Paris et d'Île-de-France au SAMU de Paris.

3500 appels en 2023

A l’heure actuelle, l’équipe compte un médecin psychiatre (un demi-poste sera prochainement ouvert) et 7 infirmiers psychiatriques. La mission de ces derniers : accueillir les appelants et recueillir toutes les informations qui permettent au psychiatre ou au médecin régulateur du 15 de prendre une décision quant à la suite à donner, qu’il s’agisse de trouver un rendez-vous en urgence, d’organiser une visite au domicile, d’envoyer des moyens de secours ou d’adresser la personne à un service d’urgences. « En 2023 nous avons géré plus de 3500 appels émanant de patients, mais aussi de proches ou de professionnels de santé et seuls 35% des personnes ont été dirigées vers les urgences, contre 60% avant le déploiement de notre dispositif, poursuit Gaëlle Abgrall. C’est une évolution majeure qui témoigne d’une nette amélioration du parcours de soins des patients. » 

Un modèle à reproduire ?

Des résultats encourageants qui ne sont pas passés inaperçus dans le monde de la psychiatrie publique. « Tous les SAMU franciliens s’intéressent à notre initiative et nos confrères de Seine-Saint-Denis sont en train de développer un projet de régulation psychiatrique sur le même modèle que nous qui devrait voir le jour prochainement. Pour notre part nous avons engagé une collaboration avec le Centre Psychiatrique d’Orientation et d’Accueil de Paris afin de mieux articuler nos actions respectives sur ce sujet », ajoute le Dr Gaëlle Abgrall en conclusion.

« Mieux répondre aux besoins de la population »

Le SAS du Val-d’Oise est opérationnel depuis novembre. Trois de ses acteurs partagent leur retour d’expérience.

Dr Jose-Luis Garcia-Mace, médecin régulateur, AMPS95

« Dans le Val-d’Oise, la régulation de médecine de ville du Centre 15 est assurée par l’association AMPS95 qui regroupe 70 médecins généralistes. Nous avons commencé à développer un réseau de médecins généralistes volontaires pour accueillir des patients en soins non programmés depuis plus d’un an avant la mise en place du service d’accès aux soins. Cette expérience s’est révélée très utile au moment du déploiement officiel du SAS qui a eu lieu le 15 novembre dernier.  Trois mois plus tard, nous comptons environ 150 médecins effecteurs et nous voyons le nombre de personnes orientées vers ces derniers augmenter de mois en mois, ce qui témoigne de la pertinence du dispositif. »

Dr Jérôme Monnot, coordinateur de l’AMPS95 pour la permanence de soins et les soins non programmés

« Pour les patients, le fait de pouvoir bénéficier d’une consultation en ville dans les 48 heures est un vrai plus par rapport à ce que nous pouvions proposer auparavant, même si les rendez-vous pris auprès des médecins effecteurs restent encore minoritaires dans les réponses apportées aux appels reçus au 15. C’est une corde à notre arc importante et je suis persuadé que cela évite bon nombre de passages aux urgences ! Du côté des médecins effecteurs, les remontées sont également globalement positives, ce qui reflète la qualité du travail des opérateurs de soins non programmés qui sont chargés de préparer les dossiers des patients qu’on leur envoie. »

Dr Thomas Berbak, médecin à Garges-lès-Gonesse

« Depuis décembre, les 8 médecins de la maison de santé où j’exerce participent au Service d’accès aux soins par solidarité confraternelle envers nos confrères régulateurs mais aussi pour mieux répondre aux besoins de la population de ce territoire de l’Est du Val-d’Oise, où la démographie médicale est particulièrement en tension. Notre expérience est encore mince – une dizaine de rendez-vous au total – mais pour l’instant tout se passe bien, les dossiers des patients sont parfaitement renseignés et nous n’avons pas eu de mauvaise surprise. La seule difficulté concerne la plateforme numérique à laquelle nous n’arrivons pas à interfacer notre planning. Mais l’AMPS95 organise un webinaire à ce sujet très prochainement et j’ai bon espoir que le problème soit vite réglé ! » 

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