Service d'accès aux soins (SAS) : un outil clé pour répondre aux soins non programmés

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Depuis deux ans et demi, le Service d’accès aux soins (SAS) se déploie dans toute l’Île-de-France. Conçu pour répondre aux besoins de soins non programmés lorsque le médecin traitant n’est pas disponible, et qu’aucune autre solution n’a pu être trouvée par le patient, il participe à l’amélioration des conditions d’accès aux soins et de l’orientation de la population dans le parcours de soins.

Vieillissement de la population, poussée des maladies chroniques, difficultés d’accès à un médecin en ville : les demandes de soins non programmés n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, mettant à rude épreuve les services d’urgences comme les généralistes. Le SAS a été pensé comme une réponse collective, coordonnée et territorialisée, pour offrir à chaque patient une orientation adaptée à sa situation. « Le SAS ne se réduit pas à un guichet unique : c’est une chaîne entre les acteurs de santé de l’hôpital et de la ville pour relier un appel au 15 à une prise en charge adaptée en moins de 48 heures », résume Jane-Lore Mazué, responsable du département soins non programmés à la direction de l’offre de soins de l’ARS Île-de-France.

Une organisation de plus en plus maîtrisée

Aujourd’hui opérationnel dans tous les départements franciliens, le SAS repose sur un processus désormais bien rodé : au CRRA 15, un assistant de régulation médicale (ARM) assure le décroché de tous les appels et les redirige vers un médecin régulateur libéral lorsque la situation ne relève pas d’une urgence vitale. La régulation médicale permet, en fonction des besoins du patient, d’obtenir une réponse adaptée à chaque situation donnant lieu à un conseil médical ou la prise de rendez-vous pour une consultation avec un médecin généraliste dans les 48 heures. Dans ce cas, un opérateur de soins non programmés (OSNP) cherche une solution de rendez-vous en médecine de ville au moyen de la plateforme nationale SAS. Cette plateforme recense les créneaux mis en visibilité par les médecins volontaires participants au dispositif. Résultat : dans la majorité des cas, un rendez-vous est proposé dans les 24 heures, bien en deçà du délai maximal de 48 h prévu par les textes.

Des dynamiques territoriales solides

Le succès du SAS repose sur un pilotage coordonné entre les associations de régulation départementales représentant l’ensemble des acteurs libéraux et les SAMU départementaux. Ces associations coordonnent les plannings, recrutent les médecins régulateurs, organisent les formations, et appuient la montée en puissance des effecteurs. « Nous comptons aujourd’hui près de 1600 professionnels franciliens inscrits sur la plateforme numérique nationale, soit environ 10 % des médecins libéraux  de la région, précise Anne-Pascale Gagny, cheffe de projet au sein du département soins non programmés. Et la dynamique est bonne, avec une progression continue depuis les premiers territoires pilotes. » La participation repose sur le volontariat et elle est valorisée, via une rémunération forfaitaire annuelle et une majoration par consultation dans la limite de 20 actes par semaine. Les médecins régulateurs bénéficient, eux, d’un forfait horaire. 

Un dispositif en évolution

S’il répond déjà à des besoins concrets – avec plusieurs centaines de rendez-vous orientés chaque mois dans certains territoires – le SAS continue d’évoluer. En Île-de-France, il s’ouvrira progressivement à de nouveaux métiers : infirmiers, sages-femmes, chirurgiens-dentistes. Une filière de régulation dédiée à la psychiatrie est également en place depuis 2022 au SAMU de Paris, et depuis le milieu d’année 2024 dans le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et plus récemment dans les Yvelines, avec des résultats encourageants (voir ci-dessous).

L’élargissement du périmètre du SAS s’accompagne de nouveaux enjeux : intégrer ces professions dans l’interface numérique, adapter les modalités de réponse, renforcer la coordination avec les dispositifs existants (PDSA, DAC, CMP…).

Encore perfectible, mais déjà utile

Si la promotion du dispositif auprès des effecteurs reste à poursuivre, notamment pour accroitre la participation d’un plus grand nombre, la dynamique est lancée. « Ce n’est pas un système parfait, mais c’est une réponse concrète à une situation de terrain qui l’exigeait. Chaque médecin qui s’inscrit permet de renforcer le collectif et plus les effecteurs sont nombreux, plus la charge est répartie équitablement, conclut Jane-Lore Mazué. Nous souhaitons continuer à travailler avec l’ensemble des acteurs (effecteur et régulateurs) pour améliorer ce dispositif avec eux.» 


FOCUS

Soins dentaires non programmés : 5 choses à savoir en Île-de-France

  1. Une permanence des soins dentaires tous les dimanches et jours fériés

    Dans tous les départements franciliens, chaque dimanche et jour fériés, des chirurgiens-dentistes assurent une permanence des soins pour prendre en charge les urgences dentaires. Le tableau de garde est géré localement par les conseils départementaux de l’Ordre des chirurgiens-dentistes.

  2. Une régulation régionale 
    Depuis la crise Covid, l’Île-de-France s’est dotée d’un dispositif de régulation dédié aux urgences dentaires les dimanches et jours fériés. Porté par le Conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, il permet aux patients de déposer une demande via la plateforme urgences-dentaires.org ou un répondeur téléphonique de 8h à 16h. Un régulateur les rappelle ensuite pour évaluer la situation et orienter vers le bon niveau de prise en charge : conseil médical, consultation auprès d'un chirurgien-dentiste de garde, recours à un service d’urgence hospitalier. 

    Aujourd’hui, cette régulation régionale oriente les patients de 7 des 8 départements franciliens (hors 77). La Seine-et-Marne a mis en place un chirurgien-dentiste au SAMU Centre 15 les dimanches et jours fériés pour réguler les appels dentaires de son département. 

  3. Une réponse utile pour désengorger l’hôpital
    En 2023, sur 1700 patients régulés par la régulation régionale pendant les jours de garde, plus de 1300 ont été orientés vers un chirurgien-dentiste de garde, tandis qu’environ 350 ont bénéficiés d’un conseil médical. Cela contribue à éviter des sollicitations inutiles des urgences, en particulier à la Pitié-Salpêtrière, et à rapprocher les soins des patients.
  4. Un SAS dentaire encore à l’état expérimental
    Dans certains départements, une expérimentation de SAS dentaire a été lancée pour répondre aux demandes en semaine et en journée, notamment dans les zones sous-dotées. Mais sa généralisation reste délicate : l’accueil de patients inconnus dans un agenda surchargé peut s’avérer complexe, notamment parce que la durée d’un soins dentaire d’urgence peut varier de quelques minutes à près d’une heure selon l’acte à réaliser. Le retour d’expérience est attendu dans les prochains mois.
  5. Des évolutions à venir pour améliorer l’accès
    Une application mobile est en cours de développement pour faciliter le recours à la régulation régionale. Par ailleurs, les relais territoriaux (médecins, pharmaciens, CPTS) sont appelés à mieux orienter les patients vers les solutions de proximité. L’enjeu est clair : éviter que des douleurs dentaires impromptues ne se transforment en errance ou en passage évitable aux urgences.

TEMOIGNAGE

Docteur Charles Binétruy, médecin coordonnateur au SAS du Val-de-Marne

 

" Je suis médecin généraliste et régulateur au sein du SAS du Val-de-Marne. Porté par l'association ARPSAS 94, notre SAS fait partie des pionniers qui se sont structurés dans le sillage de la crise du Covid, en 2022. Il s'appuie sur l'expérience acquise dans le cadre de la permanence des soins, mais c'est un changement d'échelle. Et de culture.

La reconnaissance du rôle de médecin régulateur a permis de structurer une équipe formée, en lien direct avec le CRRA et les équipes hospitalières. Comme tous les SAS nous sommes hébergés au SAMU, ce qui fait du centre de régulation une « maison commune » entre ville et hôpital. Cette logique de coconstruction est essentielle.

 

Aujourd’hui, on trouve une solution à deux heures du matin

 

Notre association compte une cinquantaine de médecins régulateurs. Tous sont formés : il faut apprendre à se détacher de sa posture de clinicien pour endosser celle de médecin de mission de service public. En parallèle, nous avons structuré le rôle des OSNP, ces opérateurs qui concrétisent la régulation : prise de contact avec le médecin traitant, consultation de la plateforme, mobilisation des effecteurs. Ils sont devenus un maillon essentiel.

Le Val-de-Marne compte environ 100 médecins effecteurs actifs sur 190 inscrits. Nous orientons entre 300 et 400 patients par mois. Les patients ne savent pas toujours à qui ils ont affaire : pour eux, c'est le 15. Mais derrière, la régulation a changé de dimension. Les généralistes peuvent rendre visibles leurs créneaux sur la plateforme SAS : c'est notre principal pourvoyeur. Nous travaillons aussi avec les CPTS, les dentistes, les DAC pour les appels à caractère social, et construisons des filières vers des services spécialisés, notamment en cardiologie. Un SAS Psy fonctionne depuis un an et demi, avec un personnel dédié. Nous orientons également vers des infirmiers, par exemple pour les certificats de décès.

Prochainement, les flux traités devraient évoluer radicalement. Dans le Val-de-Marne, une maison médicale de garde en accès libre accueille près de 90 000 patients chaque année. Avec la nouvelle convention médicale (avenant 10), qui impose une régulation via le 15 pour bénéficier de la majoration SNP, ces patients devront passer par le SAS. Le nombre d’appels entrants pourrait ainsi être multiplié par 20 ! Il nous faudra sans nul doute renforcer considérablement le nombre de médecins effecteurs pour répondre à la demande… »
 


INTERVIEW

Un SAS psy au SAMU de Paris

Quatre SAS psy sont déjà actifs en Île-de-France : à Paris, en Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne et les Yvelines. Un cinquième est en cours de déploiement dans l’Essonne. Le Dr Gaëlle Abgrall, psychiatre, responsable de celui de Paris revient sur son fonctionnement.

Quel est l’objectif du SAS psychiatrie mis en place au SAMU de Paris ?
Ce dispositif est né d’un constat sans appel : les appels à tonalité psychiatrique sont nombreux, complexes, et souvent mal orientés. Avant sa mise en place, 80 % d’entre eux aboutissaient à un passage aux urgences hospitalières. Or, ce n’était ni toujours justifié, ni satisfaisant pour les patients ou les équipes. En 2021, grâce à un appel à projets du Fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP) et au soutien de l’ARS Île-de-France, nous avons lancé une expérimentation qui s’est pérennisée. Depuis deux ans et demi, nous déployons une ligne psychiatrique dédiée au sein du SAMU, disponible tous les jours de 8 h à minuit.

Comment fonctionne cette ligne ?
Elle s’intègre pleinement à la logique du SAS. Lorsqu’un appel au 15 concerne une problématique de santé mentale, le médecin régulateur généraliste peut nous transférer la régulation. Nous intervenons pour affiner l’évaluation, écarter les urgences somatiques et construire une réponse adaptée. L’équipe comprend deux psychiatres et 9 infirmiers spécialisés. Le binôme médecin/infirmier permet une réponse fine, qui va du simple conseil à la mobilisation d'un SMUR, en passant par une orientation vers une structure de soins.

Quels types de situations vous sont confiées ?
Les motifs les plus fréquents sont les idées suicidaires, les crises d’angoisse, les troubles du comportement, les épisodes délirants. Les appels viennent en majorité des proches de patients, puis des patients eux-mêmes et enfin de professionnels (CMP, généralistes, services sociaux…). 

Avez-vous la possibilité d’intervenir sur le terrain ?
Oui, et c’est là une des spécificités fortes du dispositif. En 2024, nous avons réalisé 167 interventions à domicile, contre 45 en 2023. Nous intervenons seuls ou en binôme avec les pompiers, selon la situation. Nous collaborons aussi avec les CMP quand il s’agit de patients connus, pour éviter les ruptures de parcours. En cela, nous sommes le premier dispositif à proposer des interventions à domicile directement à partir de l’appel au 15, sans passer par un service d’urgence intermédiaire.

Quelles sont vos perspectives de développement ?
Nous espérons passer à une couverture H24, car la demande est forte. Nous avons recruté récemment un nouveau praticien hospitalier, et nous renforçons notre maillage avec les structures de secteur. L’activité progresse fortement : nous avons reçu 4300 appels en 2024, dont 2400 ont donné lieu à des rappels sortants, pour organiser un suivi ou trouver une solution. Cette logique de suivi est essentielle : certains infirmiers prennent en charge des patients de bout en bout. Et les résultats sont là puisque désormais les orientations vers les services d'urgences ne sont plus que de 30% après le travail du SAS psy.

Ce modèle est-il transposable dans d’autres départements ?
Absolument, et il commence à l’être. Le 93 a déjà engagé un projet similaire. Le 94 est également en phase de déploiement et bientôt le 92. C’est un modèle exigeant, mais qui a fait ses preuves. Les retours des familles, des généralistes, mais aussi des urgentistes sont très positifs. Ils disent qu’ils se sentent moins seuls, qu’ils ont une ressource fiable et rapide. C’est une autre manière de penser l’urgence psychiatrique :  plus humaine, plus réactive et mieux connectée au terrain.