Un engagement né d’un besoin essentiel d’accès aux soins
À l’origine, plusieurs associations intervenaient déjà dans la défense des droits des personnes exilées, mais l’accès aux soins restait largement inexistant. Le Comede a ainsi été créé autour d’un dispensaire, progressivement devenu un centre de santé. Aujourd’hui, l’association compte cinq centres de soins : à Bicêtre, Paris, Marseille, Saint-Étienne et Cayenne.
La mission du Comede repose sur deux piliers : la santé des exilés et la défense de leurs droits. L’association propose un accompagnement pluridisciplinaire adapté aux situations souvent extrêmement complexes des personnes accueillies : consultations médicales, psychologiques, sociales, juridiques, orientation, suivi dans la durée…
Chaque année, environ 20 000 consultations sont effectuées et 5 000 appels sont traités via les permanences médico-psychologiques ou sociojuridiques. Ces permanences constituent un outil essentiel d’orientation et d’information, parfois le premier point de contact pour des personnes en grande détresse.
Les demandes sont variées :
- démarches administratives pour raisons médicales,
- difficultés d’accès aux soins en France (« l’hôpital refuse de me prendre en charge »),
- questions sur les droits au séjour pour raisons médicales,
- renoncements aux soins liés à des obstacles multiples.
Le Comede assure également des activités de formation :
L’activité quotidienne du Comede repose sur une équipe professionnelle de salariés et de bénévoles, dans tous les métiers de l’accompagnement global. L’association accueille et forme de nombreux bénévoles, qui sont des professionnels (médecins, juristes, psychologues) et interviennent avec les mêmes missions que les salariés.
L’accueil au Centre de santé de Bicêtre : un dispositif inconditionnel
L’accueil social du centre de Bicêtre repose sur un principe fondamental : toute personne est reçue, avec une évaluation globale de sa situation.
Deux critères permettent d’accéder à une consultation rapide : la vulnérabilité sociale (isolement, absence d’hébergement, barrière linguistique, absence de couverture santé…) et les besoins de santé. Les personnes les plus fragiles peuvent bénéficier d’une consultation dans la journée, incluant un dépistage en santé mentale. Celles qui sont incluses sont ensuite orientées vers un médecin généraliste, qui coordonne l’accès aux différents services : bilan de santé avec repérage des violences, psychothérapie, accompagnement sociojuridique, addictologie, santé sexuelle, éducation thérapeutique, etc.
Des dispositifs spécifiques existent, comme l’entrée directe dans des dispositifs en « santé mentale », notamment pour les personnes exilées LGBT+, particulièrement exposées aux ruptures de soins et aux multiples difficultés pour y accéder.
Malgré l’implantation du centre dans l’enceinte de l’hôpital de Bicêtre, le Comede oriente les patients vers les structures les plus proches de leur lieu d’hébergement, y compris pour les urgences (sauf cas particulier), pas nécessairement dans le secteur hospitalier, cela dépend de la situation administrative de la personne et des dispositifs auxquels elle a accès.
Le bouche-à-oreille et les partenariats (hébergements, associations, hôpitaux, acteurs de l’asile) constituent les principaux vecteurs d’orientation.
Focus – La santé mentale au cœur des missions de Comede
« Au Comede, nous intervenons là où le droit commun fait défaut » pour Maila Marseglia, psychiatre et coordinatrice nationale du pôle Santé mentale, la réalité psychique des personnes exilées est indissociable des violences, des ruptures et des obstacles administratifs qu’elles traversent.
« Les personnes que nous recevons présentent souvent des traumatismes – simples ou complexes –, des dépressions ou des troubles de l’adaptation. Leur santé mentale est marquée par les trois phases de la migration : ce qu’elles ont vécu avant de partir, ce qui s’est passé durant le voyage, puis les conditions souvent très précaires de leur arrivée en France. »
Maila décrit des situations où la précarité rend le soin difficile : « Quand on vit à la rue, qu’on est déplacé d’un hébergement à un autre, qu’on dort mal ou qu’on craint pour sa sécurité, il devient compliqué de suivre un traitement, de se souvenir des rendez-vous, de se stabiliser. Et pourtant, les personnes veulent être soignées. »
Un accompagnement qui s’appuie sur le travail pluridisciplinaire
Au pôle Santé mentale, la prise en charge repose sur une équipe coordonnée : dans un premier temps les médecins généralistes qui assurent les diagnostics, puis des psychologues en charge des psychothérapies, en lien avec des interprètes professionnels.
« L’interprétariat est coûteux, mais indispensable. Il permet à des personnes extrêmement fragilisées de s’exprimer dans leur langue, d’évoquer des vécus parfois indicibles. Sans cela, beaucoup resteraient silencieux. »
Les prises en charge peuvent durer entre un an et demi et deux ans, mêlant consultations individuelles, groupes thérapeutiques et actions de médiation pour aller vers les personnes les plus éloignées du soin.
Entre leviers et obstacles : trouver un équilibre fragile
Les obstacles, eux, sont nombreux : déplacements imposés d’hébergement, absence de ressources, difficultés de transport, procédures administratives, ou encore horaires contraignants pour les personnes engagées dans une formation ou un emploi.
Quarante-cinq ans après la création du Comede, Maila Marseglia note une dégradation notable de la situation des personnes exilées. L’augmentation du nombre de personnes vivant à la rue, la saturation des dispositifs d’hébergement, l’exposition accrue aux violences, notamment sexuelles, et les difficultés croissantes de prise en charge des enfants témoignent de conditions d’accueil particulièrement fragilisées. « Le durcissement des politiques migratoires contribue également à complexifier les parcours et à accroître les obstacles d’accès aux soins, alors même que les demandes ne cessent d’augmenter. »
Dans ce contexte, le Comede identifie plusieurs leviers prioritaires : améliorer les conditions d’accueil, renforcer les capacités d’intervention du tissu associatif et du droit commun, protéger l’Aide médicale de l’État, supprimer les délais de carence et faciliter l’accès à l’interprétariat professionnel.
Comme le rappelle Maila Marseglia, garantir un accès effectif aux soins constitue non seulement un impératif de dignité, mais également un enjeu de santé publique :
« Sans soins précoces, les personnes tombent plus gravement malades et fréquentent davantage les services d’urgence. »





