Retour de la rougeole et de la coqueluche : l’importance de la vaccination

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Depuis le début de l’année la France, comme d’autres pays d’Europe, fait face à une forte augmentation du nombre de cas de coqueluche et de rougeole. L’ARS Île-de-France et ses partenaires se mobilisent pour prévenir les contagions et protéger les plus vulnérables.

Coqueluche et rougeole sont deux maladies infectieuses très contagieuses qui étaient encore très fréquentes il y a quelques décennies et qui sont plus ou moins tombées aux oubliettes par la grâce de la vaccination. « Cette indifférence est regrettable car ces deux pathologies ne sont pas anodines, remarque le Dr Muriel Beliah-Nappez, médecin référent politique vaccinale à la direction de la santé publique de l’ARS.  En effet, si la rougeole passe sans encombre la plupart du temps, des complications graves peuvent néanmoins survenir, principalement chez les personnes non immunisées, les jeunes enfants et les femmes enceintes. Certaines, telles que les pneumopathies ou les encéphalites peuvent être létales, en particulier chez les nourrissons de moins d’un an et chez les adultes immunodéprimés. La coqueluche, quant à elle, peut présenter un véritable danger pour les bébés de moins de deux mois, trop jeunes pour avoir reçu une série vaccinale complète, occasionnant de fréquentes hospitalisations et de trop nombreux décès. » 

Le vaccin contre la rougeole comme celui de la coqueluche font partie des 11 vaccins rendus obligatoires au cours de la petite enfance par la loi du 30 décembre 2017 destinée à augmenter les taux de couverture vaccinale jusqu’à 95%, le seuil à partir duquel on considère que le potentiel épidémique d’une maladie infectieuse disparaît. Sur ce plan, les objectifs ont été atteints ou presque atteints chez les bébés nés depuis 2018. Mais les niveaux de vaccination sont plus bas dans la population générale, avec des risques de résurgences épisodiques, occasionnant des pics épidémiques tous les deux à cinq ans. « C’est particulièrement problématique avec la coqueluche, car cela expose les tout-petits, poursuit Muriel Beliah Nappez. Cela a d’ailleurs conduit la Haute Autorité de Santé (HAS) à faire évoluer ses recommandations vaccinales en 2022 afin de prévenir le risque de forme grave chez les nouveau-nés et nourrissons dans l’attente de leur propre vaccination (voir article 1) ». Quant à la rougeole, elle réapparait régulièrement en Europe au sein des populations éloignées du système de santé, notamment dans les groupes roms.

Des résurgences alarmantes

Depuis le début de l’année, coqueluche et rougeole sont de retour en France avec une flambée épidémique qui s’inscrit d’ores et déjà parmi les plus fortes des trente dernières années. La région Île-de-France n’échappe pas à ce phénomène. Sur les huit premiers mois de l’année, ce sont ainsi près de 200 cas de rougeole qui ont été déclarés dans la région, pour l’essentiel chez des personnes mal vaccinées/non vaccinées. Quant à la coqueluche, la hausse des cas est très nette depuis le mois de mai, avec, depuis le début de l’année 2024, une centaine de consultations hebdomadaires chez SOS médecins et aux urgences. « Au niveau national on déplore 28 décès dus à la coqueluche, dont 18 nourrissons âgés de moins de 1 an, de janvier à juin », poursuit Muriel Beliah-Nappez.

Face à ce contexte préoccupant, l’ARS s’est rapidement mobilisée à travers des messages de communication auprès du grand public et des professionnels de santé rappelant l'importance des mesures de prévention et de la vaccination pour protéger les personnes à risque de formes graves.

Pour les professionnels de santé, l’accent a été mis sur les nouvelles recommandations vaccinales émises en juillet par la HAS concernant la coqueluche, qui préconisent à toute personne en contact proche avec un nourrisson de moins de 6 mois dans un cadre familial ou professionnel de recevoir un rappel si le dernier vaccin contre la coqueluche date de plus de 5 ans. « Nous avons également encadré la réponse régionale face aux cas groupés de rougeole, précise Taeiba Liaqat, chargée de mission vaccination à la direction de la santé publique de l’ARS. Nous avons notamment appuyé nos délégations départementales qui ont géré les situations de crise sur le terrain en organisant des campagnes de vaccination préventives autour des cas avérés. Pour ce faire, elles ont été amenées à veiller à l’approvisionnement en vaccins, à mobiliser les centres départementaux de vaccination. Certaines ont également dû faire appel à des professionnels de santé et à des associations susceptibles d’aller vers les publics spécifiques, en particulier dans les campements roms où des cas avaient été signalés. » 
 

Informer, convaincre, orienter…

Manal Bouchedane, médiatrice santé au sein de l’ASAV

« ASAV, est une association des Hauts-de-Seine qui accompagne les Gens du Voyage, les Roms Roumains et les bénéficiaires de la protection internationale dans une meilleure insertion et une valorisation de leurs droits communs. Entre autres activités nous mettons en place des actions d’éducation à la santé et de prévention. Au printemps, nous avons été contactés par l’ARS pour faciliter une campagne de vaccination en urgence auprès de plusieurs familles roms dans le Val- d’Oise. Dans cette perspective nous avons diffusé plusieurs supports d’information aux personnes concernées, dont des vidéos tournées par nos soins. L’enjeu était de taille, car il y a une énorme méfiance chez les roms vis-à-vis des vaccins vivants, qui s’est renforcée depuis le Covid. Nous avons également assuré le relais avec le CDDS (centre départemental de dépistage et de soins) de Cergy en vue des rendez-vous. Malheureusement, le terrain a été évacué la veille du jour prévu et le contact avec les familles a été perdu… »
 

Face à la vague… coup de projecteur sur les actions mises en place par la PMI de Paris pour protéger les plus petits des dangers de la coqueluche

Il y a quelques années, la protection maternelle et infantile (PMI) de Paris s’est dotée d’un groupe référent vaccination constitué de trois médecins diplômés en vaccinologie infectieuse. En plus d’une mission de veille dans le champ des vaccins, ce groupe est aussi chargé de répondre aux interrogations des professionnels de santé, médecins et puéricultrices et de relayer toutes les informations importantes provenant de la direction générale de la santé (DGS), de la HAS ou de l’ARS.

« Par ailleurs nous accompagnons les équipes des centres de PMI pour qu’elles informent leur patientèle sur les gestes vaccinaux adéquats, notamment pour la coqueluche », indique le Dr Estelle Riblier, médecin expert de la PMI de Paris. En effet, depuis 2022, la HAS recommande la vaccination anti-coqueluche des femmes enceintes, de préférence entre 20 et 36 semaines de grossesse. A défaut, elle préconise la mise en place d’une stratégie de cocooning : il s’agit de vacciner tout l’entourage proche du nouveau-né et du nourrisson, en cas de dernier rappel datant de plus de cinq ans. « Dans ce cadre, nous avons formé les sages- femmes qui prennent en charge les futures mamans, mais force est de constater que ces recommandations restent peu suivies, avec un taux de couverture vaccinale des femmes enceintes qui plafonne à 16%. Il y a là un important travail de fond à mener pour les années qui viennent », estime Estelle Riblier.

Depuis le début de l’année, les centres de PMI de Paris constatent, eux aussi, la recrudescence des cas de coqueluche. « Face à cette vague montante, nous avons pris plusieurs mesures pour éviter les contagions, poursuit Estelle Riblier. Nous avons par exemple réapprovisionné les centres en masques – qui offrent une protection individuelle efficace tout en réduisant activement le risque de diffusion – et sensibilisé les équipes sur l’importance de la vaccination des professionnels de santé en contact avec les tout-petits, notamment pour inciter tous ceux dont le dernier vaccin contre la coqueluche remonte à plus de cinq ans de recevoir un rappel. Enfin nous avons également informé la Direction des Familles et de la Petite Enfance qui gère les crèches de la Ville de Paris de l’évolution de la situation épidémique et des mesures de prévention à mettre en place. »

 

Rougeole : dans les coulisses du département Veille, alertes et gestion sanitaire de l’ARS Île-de-France

Avec Charlotte Herber, infirmière de veille et sécurité sanitaire et Dr Ayoub Idrissi, Médecin du département veille, alertes et gestion sanitaire à l’ARS Île-de-France.

• Quel est le rôle du département veille, alertes et gestion sanitaire en ce qui concerne la rougeole ? 

Ayoub Idrissi : Entre autres missions, notre équipe – qui compte trois médecins et onze infirmières  – est responsable du suivi des 38 maladies à déclaration obligatoire. La rougeole fait partie de ce groupe, avec la dengue, l’hépatite A, la leptospirose, la légionellose ou encore le chikungunya. Notre mission principale est d’éviter tant que faire se peut la survenue d’épidémies en agissant au plus tôt notamment sur la contagiosité ou les sources de contamination, en permettant à certaines personnes d’éviter de contracter certaines maladies ainsi que l’apparition de cas qui auraient pu être graves sans notre intervention. Accessoirement, pour chacune d’entre elles, nous comptabilisons l’évolution du nombre de cas à partir des fiches CERFA transmises par les médecins et nous transmettons les données à Santé Publique France. 

Charlotte Herber : Et pour 33 de ces maladies – dont la rougeole – nous sommes également chargés d’investiguer individuellement les signalements et de mettre en place les mesures destinées à limiter les contagions et à éviter les cas graves. A noter : nous gérons également les signalements de coqueluche, qui ne sont pas à déclaration obligatoire, mais recommandés lors de la survenue de cas groupés, qu’ils soient intrafamiliaux ou en collectivités. 
 

• En pratique, comment cela se passe-t-il pour la rougeole ? 

A.I. : Quand nous recevons une fiche transmise par un médecin, nous l’appelons pour lever l’anonymat du patient et recueillir les informations cliniques dont il dispose. Ensuite, nous contactons le patient pour enquêter sur son cas. On fait le point sur ses symptômes, en cherchant en particulier la date de l’éruption afin de déterminer la fenêtre de contagion. On lui demande aussi la liste des personnes qu’il a côtoyées sur cette période. 

C.H. : Dans la foulée nous appelons tous les cas contacts pour leur conseiller de faire un rappel vaccinal s’ils ne sont pas à jour. Si, parmi eux, il y a des personnes à risques de développer des formes graves – nourrissons ou personnes immunodéprimées – nous les guidons dans la mise en place des mesures de prophylaxie   adaptées à leur situation

A.I. : Ces mesures prophylactiques peuvent aller de la simple surveillance, à la vaccination en passant par l’injection d’immunoglobulines qui sont des anticorps qui vont aller directement combattre le virus à la place de notre corps pour les personnes qui le nécessitent : chaque mesure est évaluée au cas par cas. Par ailleurs, nous cherchons aussi à mieux comprendre le cadre de la contagion en particulier face à un malade qui dispose d’un schéma vaccinal complet. Nous essayons également de retrouver le cas index (le premier cas) en fonction de la période d’incubation.

• Quel bilan pour le début de l’année pour la rougeole ? 

C.H. : Alors que 2023 avait été une année calme avec 18 cas en tout, nous avons remarqué une augmentation nette à partir de janvier. Fin août nous avions déjà reçus 190 déclarations, dont 43% émanaient de Paris ou de la Seine-Saint-Denis. 

A.I : Attention, les déclarations sont parfois effectuées par les médecins sur la base de symptômes évocateurs il arrive que le résultat de l’examen biologique prescrit par le médecin – sérologie ou test PCR – ne soit pas encore disponible ou bien infirme à postériori le diagnostic de rougeole. Toutefois, nous n’attendons pas la confirmation biologique pour commencer l’enquête et faire certaines recommandations, comme par exemple une mise à jour vaccinale qui est dans tous les cas recommandée. Cependant, cette confirmation est nécessaire pour la mise en place de certaines mesures.

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