Santé publique et prévention : un terrain d’engagement pour les jeunes médecins
Les jeunes médecins représentent la relève du système de santé. Il est essentiel de ne pas cantonner la prévention et la promotion de la santé à une fin de parcours professionnel, mais au contraire de les envisager comme des choix de carrière porteurs de sens et d’action.
Lors des entretiens de médecins, beaucoup de candidats expriment une lassitude face à la médecine clinique habituelle dans les établissements de santé. Ils cherchent autre chose : du sens, du lien, de la diversité, une approche globale. La santé publique, qu’elle soit une spécialité ou une orientation de service, peut répondre à cette envie. Elle offre un cadre stimulant, où les jeunes praticiens peuvent s’investir avec énergie, autonomie et créativité.
Au sein de la lutte anti-tuberculose d’Île-de-France, les jeunes médecins sont en immersion sur des territoires avec de forts enjeux sanitaires : l’Île-de-France représente à elle seule la moitié des cas de tuberculose déclarés en France.
La santé publique permet de sortir d’une pratique strictement curative. Il ne s’agit plus seulement de traiter, mais d’éviter que les patients ne tombent malades, en travaillant à partir des déterminants sociaux et territoriaux de santé. L’approche est holistique, humaine, centrée sur la prévention, le lien avec les patients et l’organisation des parcours de soins.
Contrairement aux idées reçues, la santé publique ne concerne pas uniquement les publics précaires. Même dans des départements comme les Hauts-de-Seine, réputés aisés, les inégalités territoriales sont marquées entre le nord et le sud, et les défis en matière d’accès aux soins sont réels.
Le travail en santé publique se fait en lien étroit avec des partenaires solides (Santé publique France, ARS…), avec un pilotage basé sur les données épidémiologiques, une autonomie d’action et un réel impact sur les politiques locales de santé.
Le travail dans des structures comme les CLAT (Centres de lutte anti-tuberculose) ne se limite pas à la prescription. Il inclut un accompagnement global : suivi sur plusieurs mois, travail sur la santé sexuelle, la prévention des addictions, l’éducation à la santé, la coordination avec d’autres structures. Ce suivi favorise la confiance, la continuité et le dialogue avec les patients, souvent absents du système de soins classique.
Les jeunes médecins trouvent également dans ces structures une qualité de vie professionnelle, avec un travail en équipe, un équilibre vie pro / vie perso, et des possibilités d’aménagement du temps de travail. C’est une médecine d’engagement, dans laquelle les professionnels restent souvent longtemps une fois qu’ils y ont goûté.
Enfin, beaucoup de médecins issus de l’hôpital ou des urgences se tournent vers la santé publique après avoir constaté l’inefficacité d’une prise en charge fragmentée, ou l'absence de suivi des patients. La santé publique devient alors une réponse, en amont, aux causes réelles des passages répétés aux urgences ou aux ruptures de parcours.
On peut donc trouver pas mal d’éléments attractifs pour un jeune médecin.
Engagement sur la santé publique
Ma vocation pour la santé publique s’est faite lors de mon dernier semestre en médecine sociale. J’ai été marqué par des cas de tuberculose touchant des enfants issus de milieux a priori peu exposés. En enquêtant, nous avons découvert qu’un marchand soufflait dans les sacs de cacahuètes vendus devant l’école, contaminant ainsi les enfants. Ce constat a éveillé ma curiosité : la prévention est possible en observant les réalités concrètes et en agissant en amont.
La santé publique attire ceux qui souhaitent prévenir plutôt que guérir, apporter une réelle contribution à la santé collective. La pandémie de Covid-19 a démontré l’importance de la pluridisciplinarité et de la coopération entre tous les acteurs de santé.
Pourtant, la santé publique reste souvent méconnue, même parmi les professionnels. Beaucoup ignorent encore ce que sont les CLAT (Centres de lutte antituberculeuse), ce qui reflète un déficit de visibilité du secteur.
Contrairement aux idées reçues, la santé publique ne se limite pas à l’épidémiologie ou à la gestion de chiffres. C’est un domaine vaste et pluridisciplinaire, allant de la protection maternelle et infantile à la médecine scolaire, en passant par la promotion d’une bonne santé tout au long de la vie.
Cette richesse n’attire pas toujours les jeunes médecins, souvent pour des raisons financières : les postes salariés en santé publique sont peu valorisés par rapport à d’autres spécialités techniques, et la prévention n’a longtemps pas été un axe prioritaire au niveau ministériel.
À l’inverse, dans des pays comme l’Angleterre, la prévention (ex. vaccination) est mieux rémunérée que la prescription d’antibiotiques, illustrant une réelle valorisation de cette approche.
Il faut aussi rappeler que la médecine générale a eu du mal à être reconnue comme spécialité, alors qu’elle est la pierre angulaire de la prise en charge globale. De même, la médecine d’urgence est une discipline récente, souvent assurée par des médecins étrangers, alors même que les urgences sont la porte d’entrée principale à l’hôpital.
Face aux défis actuels, il est essentiel que les jeunes médecins trouvent un intérêt à s’engager dans la santé publique et la prévention, pour agir en amont et limiter l’apparition des maladies. Par exemple, un suivi global centré sur l’alimentation, le sport et le sommeil permettrait de mieux prévenir les problèmes cardiovasculaires ou métaboliques.
Pour résumer, la santé publique est un secteur riche, humain, complexe, mais trop souvent sous-estimé, qui mérite d’être mieux connu et valorisé pour attirer de nouveaux talents engagés dans la prévention et la promotion de la santé.
Le maillage territorial et le rôle crucial des ARS
Face aux discussions sur la disparition possible des ARS, je tiens à souligner leur rôle essentiel. Imaginez la gestion de la crise Covid sans elles : il serait impossible de répondre efficacement aux besoins des populations sans l’appui des ARS et de Santé publique France.
Quand on parle d’économies, il faut chercher partout, mais pas au détriment des structures de santé publique. Contrairement à certaines politiques départementales parfois guidées par des enjeux politiques, l’ARS Île-de-France apporte un soutien direct, ciblé et adapté aux besoins grâce à une approche basée sur l’épidémiologie et la cartographie sanitaire.
Par exemple, face à un foyer de tuberculose chez des jeunes travailleurs à Boulogne, l’ARS permet de déployer rapidement des moyens adaptés : matériel (camion radio mobile), équipes disponibles en horaires décalés, interprètes pour populations allophones, etc.
Ce maillage territorial est pensé pour garantir une offre de prévention homogène sur tout le département des Hauts-de-Seine, avec une attention particulière à l’accessibilité : une personne habitant à Bagneux ne doit pas être obligée d’aller à Nanterre pour une radiographie.
Ce réseau, construit bien avant les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), inclut 36 communes et plusieurs centres (Antoine Béclère, CMS Malakoff, Ambroise Paré…). Le taux de dépistage est élevé (plus de 80% des personnes concernées), et le suivi des traitements atteint des taux d’adhésion remarquables (95%).
L’intégration du patient dans un parcours de soins est fondamentale :
- Le patient est acteur de sa santé,
- Le médecin généraliste est informé et impliqué dans la continuité des soins,
- Le CLAT combine une activité clinique, de coordination et de pilotage.
Les interventions hors-les-murs, en entreprise ou dans des foyers, permettent une médecine communautaire adaptée et réactive, souvent en lien avec des partenaires locaux (OFFI, associations, établissements pénitentiaires, médecine scolaire…).
Cette organisation territoriale, portée par l’ARS et la DD92, assure un accompagnement adapté et financé, conditionné à une bonne connaissance fine du territoire et de ses besoins.
Enfin, cette démarche dépasse la simple prise en charge de malades : elle consiste à aller chercher les personnes exposées pour les protéger avant même qu’elles ne développent la maladie — c’est la véritable mission d’un service de santé publique.





