Contamination aux polluants organiques persistants des œufs domestiques : résultats et recommandations de l'étude de poulaillers

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Suite à une étude réalisée en 2023, l’Agence régionale de santé Île-de-France recommande de ne pas consommer d’œufs issus de poulaillers domestiques produits dans les 410 communes qui composent l’unité urbaine de Paris. Si les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les enfants sont particulièrement exposés, la recommandation vaut pour l’ensemble de la population des 410 communes concernées.

Dans quel contexte l’étude de l’ARS a-t-elle été réalisée ?

Il s’agit d’un engagement de l’ARS pris en février 2022 à la suite de la publication de l’étude menée par l’ONG Toxicowatch, autour de l’incinérateur d’Ivry, ayant mis en évidence la contamination des œufs de poulaillers domestiques par trois familles de polluants organiques persistants (POP) : les dioxines (PCDD), les furanes (PCDF) et les polychlorobiphényles (PCB). L’ARS avait alors émis une recommandation de non-consommation des œufs pour les communes concernées par cette première étude : Paris XII et Paris XIII, Ivry-sur-Seine, Alfortville et Charenton-le-Pont.

Dans un contexte de développement des élevages de poules en ville (jardins collectifs, poulaillers pédagogiques dans les écoles, engouement des particuliers disposant d’un jardin privatif, intérêt pour le « recyclage » des déchets de la cuisine, autoproduction, circuits courts…), l’ARS Ile-de-France a souhaité mener une nouvelle étude dont la finalité était de déterminer s’il existe un risque de surexposition à certaines familles de polluants organiques persistants lié à la consommation d’œufs issus d’élevages domestiques, nécessitant des mesures de gestion sanitaire.

L’étude réalisée par l’Agence porte sur 25 sites volontaires, dont 14 situés à proximité des trois principaux incinérateurs de déchets autour de Paris (Ivry-sur-Seine, Issy-Les-Moulineaux, Saint-Ouen) et 11 qui en sont éloignés. 

Cette étude ne concerne pas les productions d’œufs intégrés à une filière commerciale, qui font l’objet de contrôles prévus réglementairement. 

Les analyses réalisées ont porté dans un premier temps sur les trois principales familles de polluants organiques persistants (POP) : les dioxines, les furanes et les PCB. Les premiers résultats publiés par l’ARS en avril 2023 concernaient les constats pour ces 3 familles de polluants.

Des analyses complémentaires, réalisées sur les mêmes échantillons, en avril 2023, ont permis de mesurer les niveaux de contamination des sols et des œufs par une quatrième famille de POP : les composés per- et polyfluoroalkylés (PFAS).

Le rapport publié par l’ARS compile l’ensemble des résultats des analyses dans les sols et les œufs pour les 4 familles de polluants, les interprétations des résultats et les recommandations sanitaires qui en sont issues.

Qu’a révélé cette étude ?

Les résultats de l’étude menée par l’Agence mettent en évidence une contamination de l’ensemble des prélèvements par les quatre familles de polluants organiques persistants analysées (dioxines, furanes, PCB et PFAS), signifiant que ces quatre familles de polluants organiques persistants (POP) sont présentes dans tout l’environnement urbain, et non pas spécifiquement aux abords des incinérateurs. 

Parmi les 25 sites analysés, 23 échantillons dépassent le seuil réglementaire qui s’applique aux œufs commercialisés pour au moins une des quatre catégories de polluants recherchés. 

Quelles sont les recommandations de l’ARS Île-de-France ?

Les quatre familles de polluants organiques persistants sont retrouvées dans l’ensemble des échantillons de sols et d’œufs analysés dans le cadre de cette étude. 23 des 25 échantillons d’œufs présentent des teneurs qui conduiraient à les interdire s’ils étaient commercialisés, en raison des dépassements des seuils réglementaires définies par l’union européenne applicables aux denrées alimentaires.

L’étude menée par l’Agence régionale de santé Île-de-France confirme ainsi une contamination ubiquitaire des sols et des œufs de poules d’élevages domestiques à Paris et dans les départements de la petite couronne par les polluants organiques persistants (dioxines, furanes, polychlorobiphényles, substances per- et polyfluoroalkylées).

L’étude n’a pas porté sur les élevages situés dans les départements de grande couronne. Néanmoins, l’agglomération urbaine dense se poursuit au-delà des départements de la petite couronne, avec des communes de grande couronne présentant des contextes urbains similaires (forte densité des constructions, sols remaniés à de multiples occasions, implantation historique d’activités industrielles). En conséquence, l’ARS considère que la qualité des sols est similaire sur l’ensemble de l’unité urbaine de Paris, telle qu’elle est définie par l’INSEE * constituée de 406 communes (toutes les communes de Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, ainsi que certaines communes de Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne et Val-d’Oise).

Les consommateurs réguliers des œufs autoproduits (soit plusieurs fois par semaine, pendant plusieurs années) sont soumis à une surexposition par rapport à la population générale et donc à un risque accru de développer des effets pour leur santé. 

En raison des effets à long terme d’une exposition aux POP et en raison notamment de leur potentiel effet perturbateur endocrinien pouvant initier des maladies chroniques et agir sur le développement des fonctions reproductives et immunitaires, les enfants représentent la population la plus sensible, y compris au cours de leur développement fœtal.

En conséquence, l’Agence régionale de santé Île-de-France recommande aux Franciliennes et Franciliens d’éviter la consommation d’œufs de poule issus d’élevages domestiques situés uniquement dans les communes de l’unité urbaine de Paris (soit les 406 communes constituant l’agglomération parisienne selon la définition de l’INSEE). La consommation d’œufs autoproduits moins d’une fois par semaine reste néanmoins envisageable, mais particulièrement non recommandée pour les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes.

L’Agence encourage vivement tous les propriétaires d’élevage de poules souhaitant consommer leurs œufs à suivre les bonnes pratiques définies par la Direction Générale de la Santé dans le petit guide de l’autoconsommation en toute sécurité  :

  • Apport en aliment dans des mangeoires, et non sur un parcours ou à même le sol
  • Absence d’amendement du sol du poulailler par des cendres
  • Fourniture d’un aliment adapté au stade physiologique des animaux et équilibré sur le plan nutritionnel. Les particuliers sont invités à prendre conseil auprès des professionnels de la nutrition animale. 

Par ailleurs, d’une manière générale, il est recommandé aux consommateurs de diversifier leur régime alimentaire, ainsi que leurs sources d’approvisionnement. Les usagers et propriétaires de poulaillers domestiques sont invités à alterner la consommation d’œufs de leurs poulaillers et d’œufs d’élevage du commerce, ces derniers devant respecter des valeurs définies réglementairement.

Unité urbaine 2020 de Paris (00851) − COG | Insee

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