Sécurisation, enquêtes judiciaires, poursuites pénales, injonctions de soins, mises à l’abri, lieu de repos, accompagnement médico-social, c’est toute une chaîne d’acteurs qui interviennent dans la lutte contre la consommation du crack à Paris. Une coopération qui a été saluée par tous les intervenants.
Amélie Verdier a fait un point complet sur l’action de l’Agence Régionale de Santé Île-de-France. Celle-ci coordonne un dispositif large de professionnels, du monde hospitalier et associatif, qui agissent pour mettre à l’abri les consommateurs, réduire les risques associés à cette consommation et les accompagner dans un parcours de soin.
"Je ne peux pas les remercier toutes et tous ici mais je salue leur dévouement dans des conditions parfois difficiles", a déclaré la directrice générale.
"Plusieurs belles histoires"
"Je voudrais commencer par vous parler de ce jeune homme d’une trentaine d’années, M. D, à la rue et en rupture familiale depuis plusieurs années. Les équipes de maraude, puis l’espace de repos de la porte de la chapelle ont permis d’établir un lien social. Il a accepté, après quelques essais infructueux, de partir en cure de désintoxication en pays de la Loire il y a quelques semaines. Aujourd’hui, il a repris contact avec sa famille et son équipe soignante organise son transfert dans une structure près d’elle en Occitanie. Ce n’est pas qu’une belle histoire. Il y en a plusieurs. Il y en aura de plus en plus. Et nous connaissons également des rechutes.
Je souhaite aussi vous citer le cas de Mme A, moins de 30 ans, dont le parcours m’a été relaté par l’équipe hospitalière de Fernand Widal. Si sa fin est tragique, elle est au moins décédée dans un lit en soins palliatifs, après avoir eu une prise en charge adaptée à ses polypathologies (hépatite, etc.) et avoir été sortie de la rue et des violences qu’elle y subissait."
C’est bien ce qui rend la situation de la consommation de crack dans le nord-est parisien si difficile à gérer : le crack est une drogue extraordinairement addictive, peu chère et non substituable. La prise en charge des personnes exige de les sortir de la rue, où ils constituent souvent un danger pour eux-mêmes et pour les autres. "Comme l’ont déjà dit nos partenaires de la Préfecture d’Île-de-France, de la Préfecture de Police et de la ville de Paris, nous sommes en voie de résolution d’une partie de la problématique. Et bien sûr nous soutenons et finançons les projets de recherche mais nous n’avons pas encore d’annonce dans ce domaine", a précisé Amélie Verdier.
Accueil de jour
L’offre, notamment en lieu d’accueil de jour, se développe grâce à la mobilisation des associations et des élus. L’accueil de jour Boulevard Ney est ouvert du lundi au vendredi (10h30 à 16h30 les lundi, mercredi, vendredi, et 12h à 16h 30 les mardi et jeudi). Il va étendre ses horaires d’ici la rentrée. Cet espace protégé est un lieu de resocialisation ; il a déménagé de la porte de la Chapelle en raison des travaux de réaménagement de la porte. Le lieu restera boulevard Ney.
On y compte 2552 passages en juin, soit 787 personnes différentes (675 hommes, 112 femmes). C’est un lieu crucial du dispositif, que le ministre Braun est venu visiter le 24 mars 2023, après une visite au service d’addictologie de l’hôpital Fernand Widal.
Ce lieu d’accueil est un espace essentiel et nécessaire pour envisager toute amorce d’accompagnement social, de sevrage, de prise en charge thérapeutique et enfin d’éloignement de la scène de consommation.
Concernant l’hébergement
L’ARS coordonne également un dispositif d’accompagnement médico-social pour des personnes mises à l’abri dans 69 hôtels répartis en Île-de-France. L’évaluation du dispositif ASSORE (géré par les associations AURORE et GAIA), par une équipe universitaire indépendante, a permis de rendre compte de l’intérêt du programme et confirme ses effets bénéfiques. Aujourd’hui, 573 personnes sont accueillies dans des hébergements accompagnés, dont la majorité dans le dispositif ASSORE et 20 dans un dispositif similaire géré par le Groupe SOS Solidarités.
Sur les 1200 consommateurs concernés, on estime qu'un sur 2 est hébergé. Ce dispositif ASSORE a fait l’objet d’une évaluation par une équipe indépendante (INSERM / HCL) qui a montré son efficacité. C’est 3 fois plus de gens sortis de la rue qu’il y a deux ans.
Parcours de soin
"Evidemment nous avons structuré et consolidé un parcours de soins, a précisé Amélie Verdier. Il n’y a pas de parcours type, malheureusement. Les parcours de soins pour un usager de crack en situation de précarité sont longs et nécessitent souvent des aller-retours dans le soin. La temporalité d’un parcours de soin se situe généralement entre 1 et 2 ans. Nous pouvons parler de réussite lorsque nous réussissons à capter un usager dans le soin."
Le dispositif hospitalier intervient à deux niveaux :
- Des Équipes mobiles de liaison auprès des services de soins « classiques » pour aider aux urgences par exemple, pour la prise en charge de patients qui peuvent être extrêmement agités voire violents.
- Et un dispositif dédié pour le crack : en hospitalisation avec cinq sites dédiés au sein de l’AP-HP et du GHU PPN et en ambulatoire (consultation).
Ce sont 600 personnes qui ont été vues pour des consultations.
Pour conclure ce point d'étape, la Directrice générale de l'ARS Île-de-France est revenu sur deux dispositifs nouveaux :
- Le D2O. L’Agence Régionale de Santé et ses partenaires ont créé un dispositif d’accueil, d’observation, et d’orientation lorsque le diagnostic et/ou le parcours de soin sont encore incertains pour des prises en charge de pathologies souvent multiples et complexes. Le dispositif D2O a débuté le 5 juin 2023 à titre expérimental au GHU Paris Psychiatrie et neurosciences. L’objectif est d’accueillir des patients pour un séjour entre 3 et 10 jours, permettant une observation clinique à distance de la prise de produit avec une triple évaluation : addictologique, psychiatrique, et somatique. La sortie du patient est organisée dans le cadre du parcours de soins défini avec l’équipe médicale. Un seul lit est ouvert aujourd’hui, il y en aura trois en septembre. A ce jour, quatre orientations ont réalisées et trois admissions effectives. Deux transferts en région ont déjà eu lieu.
- Les dispositifs d’accueil et de sevrage en région. Depuis fin 2022, l’ARS pilote, par délégation du ministère et à la demande du Ministre, un dispositif d’orientation et d’accueil des consommateurs de crack vers des structures résidentielles de soins addictologiques hors d’Île de France. Au 30 juin 2023, 52 consommateurs ont été admis dans onze régions. Les personnes orientées sont issues pour la plupart du dispositif ASSORE ou du service d’addictologie de Fernand Widal.
Parmi les parcours de soins proposés dans le Projet régional de santé (PRS), qui est actuellement soumis à la concertation de ses partenaires, l’ARS Île-de-France propose de renforcer le parcours des consommateurs de crack précaires et se donne parmi les indicateurs du PRS le suivi de la consommation de rue et le nombre de personnes inscrites dans un parcours de soins.