Rétablissement : redonner le pouvoir d'agir aux usagers en santé mentale

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Vivre avec des troubles psychiques sans renoncer à ses projets de vie : c’est tout le sens du rétablissement en santé mentale. Devenu un cadre de référence pour les pratiques de soin et d’accompagnement, ce concept irrigue aujourd’hui l’action de l’ARS Île-de-France.

Longtemps perçue à travers le prisme de la guérison clinique, la prise en charge des troubles psychiques évolue aujourd’hui vers une vision plus globale, portée par les professionnels et les institutions, mais aussi par les usagers eux-mêmes et leurs proches. Le concept de rétablissement, né dans les années 1970-1980 en Amérique du Nord sous l’impulsion de personnes concernées par des troubles psychiques, met l’accent sur la capacité de chacun à mener une vie satisfaisante, en accord avec ses aspirations, malgré la persistance éventuelle de symptômes. Il s’agit d’un processus personnel, non linéaire, qui valorise l’autodétermination, l’espoir et la redécouverte d’un sens à la vie.

"Se rétablir ne signifie pas nécessairement guérir au sens médical du terme, souligne Daniel Pinède, psychiatre et conseiller médical santé mentale à l'ARS Île-de-France. Une personne en rétablissement peut continuer à bénéficier de soins, à prendre des médicaments ou à s’appuyer sur des dispositifs d’accompagnement. Ce concept formalise quelque chose qui est porté par la psychiatrie depuis la nuit des temps : on peut vivre une vie agréable malgré des troubles psychiques."

 

Du concept aux politiques publiques 

En France, la dynamique du rétablissement s’inscrit dans les politiques publiques depuis plusieurs années. Elle apparaît dès 2016 dans les Projets Territoriaux de Santé Mentale (PTSM), puis est renforcée par l’instruction nationale sur la réhabilitation psychosociale publiée en 2019. L’éducation thérapeutique du patient, déjà présente auparavant, participe aussi de cette logique centrée sur les ressources de la personne. Le Projet Régional de Santé (PRS) 2, couvrant la période 2018-2023, en avait fait l’un de ses axes prioritaires.

Le PRS 3 (2023-2028) marque une nouvelle étape : l’ARS Île-de-France intensifie son engagement en faveur du rétablissement à travers plusieurs actions concrètes. Parmi elles, le soutien aux soins de réhabilitation psychosociale constitue un levier majeur. Quinze plateformes territoriales de réhabilitation psychosociale sont aujourd’hui actives sur le territoire francilien. Constituées d’équipes pluridisciplinaires formées, elles accompagnent les personnes dans le développement de compétences utiles à la vie quotidienne et dans la construction de leur projet de vie. "Ces plateformes permettent de structurer une offre cohérente autour de la personne, en s’adaptant à son rythme, à ses besoins, à ses aspirations. Elles favorisent l’accès à un accompagnement personnalisé et non stigmatisant", explique Wuthina Chin, cheffe de projet santé mentale à l’ARS Île-de-France.

 

Les pairs en première ligne

Autre axe fort, le déploiement de la médiation en santé par les pairs participe à changer les représentations au sein des équipes de soins. Intégrés dans les services, les Médiateurs de Santé-Pairs apportent une expertise issue de leur propre expérience du trouble et du rétablissement. Ils facilitent la relation soignants-soignés et incarnent, au quotidien, la possibilité d’une trajectoire positive. "Leur présence permet de renforcer une manière d’être avec les patients moins verticale, plus collaborative", ajoute Daniel Pinède.

La logique de rétablissement s’exprime aussi dans le soutien aux Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM), au nombre de 90 en Île-de-France, où les usagers trouvent un espace pour partager leurs expériences, rompre l’isolement et reconstruire des liens sociaux. D’autres dispositifs misent sur la pair aidance et l’autodétermination pour favoriser l’’insertion professionnelle, comme les Collectifs d’entraide et d’insertion sociale et professionnelle (CEISP).

L’ARS contribue également à la diffusion d’outils de psychoéducation à destination des proches et des aidants. Les programmes comme Profamille ou BREF favorisent une meilleure compréhension des troubles et un positionnement plus serein dans la relation avec le proche concerné. En 2023, une première journée régionale a réuni les acteurs impliqués dans ces démarches. Une deuxième rencontre est d’ores et déjà en préparation pour 2025.

"Nous sommes très loin de partir de zéro, insiste Daniel Pinède. Bon nombre de professionnels ont déjà cette posture de soutien au rétablissement. L’enjeu, aujourd’hui, c’est de reconnaître, structurer et renforcer ces pratiques."

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