HandiConsult, une clé pour l’accès aux soins des personnes en situation de handicap

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Pour de nombreuses personnes vivant avec un handicap lourd, l’accès aux soins courants s’apparente trop souvent à un parcours du combattant. Le dispositif HandiConsult progressivement déployé dans tous les départements franciliens devrait rapidement changer la donne.

Fin 2015, une instruction de la Direction Générale de l’Offre de Soins prévoyait la mise en place en régions de dispositifs de consultations dédiées aux personnes en situation de handicap afin de « permettre de répondre aux besoins non couverts ou difficilement couverts pour des soins courants somatiques non liés à leur handicap ». Cette décision répondait à un rapport rédigé l’année précédente par Pascal Jacob, président de Handidactique qui constatait de nombreuses ruptures d’accompagnement dans le parcours de soins des personnes handicapées, notamment pour la prise en charge des soins de premiers recours : médecine générale, dentaire et gynécologie. « A l’époque nous ne disposions pas encore des données du baromètre Handifaction qui mesure aujourd’hui en temps réel l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap, mais nous savions tout de même que leurs parcours de santé étaient semés d’embuches avec des refus de soins et des abandons de soins trop nombreux, indique le Dr Catherine Rey-Quinio, conseillère médicale politique du handicap au sein de la direction de l’Autonomie de l’ARS Île-de-France : « conformément à l’instruction de la DGOS, nous avons dès lors cherché à mettre en place, en partenariat avec les acteurs concernés des secteurs médico-social et sanitaire, un centre de consultations en soins somatiques dédié pour cette population avec comme objectif d’ouvrir au moins un centre par département. »

Six plateformes opérationnelles

Le premier centre HandiConsult d’Île-de-France a vu le jour à Neuilly-sur-Marne (93), au sein de l’hôpital psychiatrique Ville-Evrard. C’était en 2018. 
Depuis, cinq autres centres dédiés ont été ouverts avec l’aide de l’ARS, à Saint-Mandé en Seine-et-Marne, à Plaisir dans les Yvelines, à Aincourt dans le Val d’Oise et deux à Paris, l’un au sein de l’hôpital Pitié-Salpêtrière de l’AP-HP l’autre porté par la Fondation Saint-Jean de Dieu et implantée dans la Maison des Soins du Centre Lecourbe. 

Ces six structures proposent toutes un socle commun qui comporte une offre en soins somatiques, en santé orale et en gynécologie, et l’évaluation de la douleur. Les offres varient cependant considérablement d’un centre à l’autre, incluant parfois des consultations de cardiologie, d’endocrinologie, de gériatrie, d’ophtalmologie, un service d’imagerie (radiologie), de podologie, de la médecine physique et de réadaptation… 

Le public reçu est également très hétérogène : adultes, enfants, personnes hébergées en établissements médico-sociaux ou vivant à domicile, porteuses de différents types de handicap, de handicaps moteur et/ou cognitifs. 

Complémentarité et subsidiarité

« Par ailleurs, toutes les centres dédiés HandiConsult travaillent en partenariat avec des structures de soins, les réseaux régionaux et autres dispositifs de coordination, dans une logique de complémentarité et de subsidiarité au service des besoins en santé de la personne handicapée », poursuit le Dr Rey-Quinio. 

Il n’est ainsi pas question de se substituer aux soins de premier recours en milieu ordinaire mais bien d’adresser certaines situations complexes pour lesquelles il n’existe pas de solutions dans le droit commun, que ce soit par défaut d’équipements ou de personnel formé, parce que les contraintes organisationnelles sont jugées dissuasives ou en raison des spécificités des patients (difficultés de compréhension ou de communication, par exemple).

L’ARS en soutien 

Pour toutes les HandiConsult dont elle a accompagné le lancement, l’ARS a retenu des projets présentant une unité de lieu – un centre dédié – et des équipes capables de répondre à un cahier des charges exigeant, impliquant notamment la coordination de multiples professionnels de santé et des consultations préparées en amont et plus longues que la moyenne. « L’objectif est d’être en capacité de pouvoir dresser un bilan clinique complet, mais aussi de délivrer d’éventuels premiers soins, voire d’orienter si besoin vers des spécialistes in situ », explique le Dr Rey-Quinio. 
Un cap qui n’est pas forcément aisé à atteindre pour les jeunes structures, qui témoignent de certaines difficultés rencontrées, qu’il s’agisse de rendez-vous non honorés, de données de santé non transmises par les établissements médico-sociaux, ou de difficultés à recruter des professionnels de santé. 
« Mais ils ne sont pas seuls face à ces obstacles, l’ARS les accompagne tout au long de la phase de démarrage et nous encourageons également au niveau régional les rencontres et les coopérations entre les différentes HandiConsult dans une logique de transversalité, de partage (par exemple d’outils), voire de complémentarité de l’offre proposée », remarque Catherine Rey-Quinio en conclusion. 

Une coordination régionale informelle mais efficace

Différents mais unis, tel pourrait être le crédo des HandiConsult d’Île-de-France… Les six premiers centres de la région présentent en effets des profils pour le moins variés, non seulement dans l’offre proposée mais aussi au niveau de la patientèle accueillie et dans les modes de fonctionnement. 
« La plateforme HandiConsult portée par le pôle Cristales reçoit ainsi uniquement des personnes – pour la plupart autistes – hébergées dans les établissements médico-sociaux de la Seine-Saint-Denis avec lesquels nous avons signé des conventions », indique Wanda Yekhlef, directrice de cette structure implantée au sein de l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard (93). 
Le centre de la Pitié-Salpétrière (75), pour sa part, n’accueille que des adultes, tandis que celui de Val Mandé (94) propose des consultations adultes et enfants prises en charge à 100% et accessibles depuis Doctolib.

Progresser tous ensemble et enrichir les offres

En dépit de ces différences, les plateformes HandiConsult franciliennes forment un réseau soudé. « Dans un premier temps, l’ARS a suggéré aux centres de se rencontrer pour de classiques retours d’expériences, poursuit Wanda Yekhlef. 
Progressivement, nos relations sont devenues plus étroites et nous avons finalement constitué un groupe de travail entre nous. Nous avons des temps d’échanges collectifs tous les trimestres et nous organisons des visites croisées pour découvrir in situ les pratiques et les spécificités des autres HandiConsult. » 

Les six centres devraient également prochainement disposer d’une plateforme numérique mise en place par l’ARS qui leur permettra d’échanger outils et informations. Autant d’éléments qui pourront être très utiles aux futurs membres du réseau HandiConsult d’Île-de-France. 
Vecteur de montée en compétences collective et de réflexions partagées, cette coordination régionale – dans laquelle l’ARS n’intervient pas directement – permet également des échanges plus opérationnels. « Cette mise en réseau nous ouvre aussi la possibilité de faire appel à un autre centre HandiConsult si nous ne trouvons pas de solutions pour un patient dans notre établissement, ajoute Wanda Yeklhef. Cela permet d’enrichir l’éventail des réponses que nous pouvons apporter aux personnes handicapées sur nos territoires. »

Zoom sur la plateforme HandiConsult d’Aincourt

Opérationnelle depuis l’automne dernier, la plateforme d’Aincourt dans le Val-d’Oise est la dernière-née du réseau HandiConsult d’Île-de-France. Témoignage du Dr Catherine Diard, Cheffe de Pôle Soins Médicaux de Réadaptation de l’hôpital Novo qui porte le projet.

Quelle a été la genèse du centre HandiConsult de l’hôpital Novo ?

Notre centre est né d’une collaboration avec les équipes de l’association Délos qui gère plusieurs établissements médico-sociaux dans le nord des Yvelines, dont un IME au sein duquel j’exerce une activité d’intérêt général en plus de mon poste à l’hôpital Novo d’Aincourt spécialisé dans les soins de suite et réadaptation. Au fil des discussions, il nous est apparu qu’entre les plateaux techniques du site d’Aincourt et l’expertise de Délos en matière de handicap, il y avait matière à développer un projet intéressant pour la prise en charge des soins courants des personnes présentant des déficiences mentales sévères. 
Une première réponse à l’appel à projets HandiConsult de l’ARS a été avortée pour cause de Covid mais fin 2022, le Dr Rey-Quinio nous a sollicité à nouveau et cette seconde fois a été la bonne : le Centre HandiConsult d’Aincourt a accueilli ses premiers patients en septembre 2023.

Quelle offre proposez-vous ?

Notre ambition est d’offrir un environnement adapté à un public d’adolescents et d’adultes dont le comportement ou le relationnel est tellement déficitaire qu’ils ne peuvent pas accéder à des soins somatiques standards.
En venant à Aincourt, ils peuvent bénéficier de séances d’habituation aux soins, d’examens somatiques standards ou plus poussés si besoin (électrocardiogramme, prise de sang, examen bucco-dentaire), mais aussi de consultations de gynécologie ou de MPR (médecine physique et réadaptation). 
Nous avons par ailleurs noué un partenariat avec le centre HandiConsult de Plaisir pour l’ophtalmologie et les soins dentaires. En échange, nous accueillons leurs patients qui ont besoin de consultations MPR.  
Depuis le début de l’année, nous recevons environ 30 personnes par mois avec des échos très positifs de la part des établissements médico-sociaux.

Avez-vous rencontré des difficultés ?

Il nous a fallu un peu de temps pour recruter notre équipe mais l’infirmière et l’aide-soignante qui nous ont rejoint sont très motivées par le projet et ont su s’adapter avec créativité aux spécificités des personnes que nous recevons ici. Il faut dire que nous avons eu la chance d’être formés par les équipes de Délos ! Un médecin stagiaire à temps partiel viendra prochainement renforcer notre organisation. Pour l’heure, le seul bémol à signaler est la difficulté à trouver dans les environs des structures à même de réaliser des IRM sous anesthésie pour certains de nos patients… Il y a peut-être là une piste à creuser pour notre ARS !