Dépression post-partum : un enjeu de santé publique au cœur des priorités régionales

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La dépression post-partum regroupe un ensemble de troubles de l'humeur qui touche entre 10 et 20 % des femmes après un accouchement. Souvent sous-diagnostiquée, cette pathologie peut entraîner des répercussions graves si elle n'est pas prise en charge, tant pour la mère que pour l’enfant.

Les symptômes de la dépression post-partum

La dépression post-partum se caractérise par une tristesse profonde et persistante, ainsi qu’une anhédonie - perte de la capacité à ressentir le plaisir - et un sentiment d'incapacité à créer un lien maternel. Ces symptômes peuvent être accompagnés de troubles physiques, tels que :

  • Des changements significatifs de poids ou d’appétit.
  • Des perturbations particulièrement importantes du sommeil (insomnie ou hypersomnie).
  • Une fatigue intense et persistante.
  • Une difficulté à se concentrer ou à prendre des décisions.

Au-delà des symptômes classiques de la dépression, des manifestations spécifiques à la période post-partum peuvent survenir. Les mères peuvent développer une anxiété excessive concernant la santé de leur bébé, des phobies d’impulsion (peur de commettre un acte irréversible envers elles-mêmes ou leur enfant), ou encore des pensées suicidaires.

Renforcement de la santé mentale périnatale : un engagement régional consolidé

La santé mentale périnatale est un enjeu majeur de santé publique, renforcé par la stratégie nationale des 1000 premiers jours et par les conclusions des enquêtes nationales sur les morts maternelles, soulignant la fréquence des suicides maternels. Depuis 2019, l'Agence a mis en place un groupe dédié au sein de la commission régionale périnatale qui a conduit à l'élaboration d'un plan régional de santé mentale périnatale, présenté lors des Journées des réseaux de périnatalité en 2021.

Un déploiement régional structurant

Le plan d’action régional en santé mentale périnatale repose sur cinq axes principaux :

  1. Repérage de la dépression périnatale : sensibilisation des professionnels, mise à disposition d'outils et orientation des patientes vers des unités de psychopathologie périnatale en cours de structuration.
  2. Mise en place de staffs médico-psycho-sociaux en maternité : renforcement des organisations pluridisciplinaires et inter-institutionnelles pour un soutien en prénatale des futures mères en situations de vulnérabilité avec anticipation de la prise en charge familiale après la naissance.
  3. Développement et renforcement de l’offre de soins : financement depuis 2019 de 20 projets de psychiatrie périnatale à hauteur de 8,67 millions d'euros, avec au moins un projet par département.
  4. Soutien des structures d'appui : implication des réseaux de périnatalité et des centres experts.
  5. Évaluation : intégration du dépistage et de la prise en charge de la dépression périnatale dans l'évaluation du PRS3.

Des actions concrètes pour un impact durable

L'application de la politique des 1000 premiers jours a confirmé la pertinence de ces orientations. Plusieurs initiatives ont été mises en place :

  • Généralisation des staffs médico-psycho-sociaux à toutes les maternités franciliennes entre 2022 et 2024, avec un budget national final attribué à la région de 3,43 millions d'euros permettant le financement de temps de sage-femmes et secrétaires chargées de la coordination.
  • Renforcement des temps de psychologues et assistants sociaux en maternité, avec un financement régional pérennisé de 7,18 millions d'euros.
  • Réforme des autorisations en psychiatrie dont la mise en œuvre en Île-de-France est prévue pour fin 2025, avec la création de la mention « psychiatrie périnatale » permettant une structuration adaptée de l'offre de soins.
  • Animation des réseaux de santé en périnatalité, notamment sur les unités de psychopathologie périnatale.
  • Poursuite de l’appel à projets national en psychiatrie périnatale, avec l’installation à partir de 2023 d’un jury régional : depuis 2019, 20 projets portant sur la psychiatrie périnatale ont été financés sur l’Île-de-France, à hauteur de 8,67 millions d'euros, avec au moins un projet par département.

Ces efforts témoignent d'un engagement fort de l'Agence et de ses partenaires pour améliorer la prise en charge des troubles psychiques périnatals et préserver la santé mentale des jeunes mères. Et ce d’autant que le taux de risque de dépression du postpartum à 2 mois était significativement supérieur en Île-de-France par rapport aux autres régions, d’après l’Enquête nationale périnatale de 2021.

Dépistage systématique : l'exemple du Centre hospitalier Louis-Mourier (92)

La dépression post-partum, bien que fréquente, reste souvent méconnue ou minimisée. Son dépistage est crucial pour plusieurs raisons :

  • Fréquence élevée et sous diagnostiquée : Avec une prévalence touchant jusqu’à 10 à 20% des femmes en post accouchement, la dépression post-partum est une pathologie courante qui n’est pas toujours identifiée chez les mères. 
  • Conséquences graves : En l’absence de traitement, la dépression post-partum peut entraîner des troubles du développement cognitif, affectif, social chez l’enfant, des difficultés relationnelles mère-enfant, voire un suicide maternel.
  • Traitement efficace : La dépression post-partum peut être prise en charge grâce à une approche multidisciplinaire, incluant un accompagnement psychologique et, si nécessaire, des traitements médicamenteux.

Depuis 2020, le Centre Hospitalier Universitaire Louis-Mourier (Colombes) a mis en place un dépistage systématique de la dépression post-partum en suite de couche, dans le cadre d’un dispositif de psychiatrie périnatal plus ancien. Pour identifier la dépression post-partum, les professionnels de santé disposent de l’échelle d’Édimbourg (EPDS). Ce questionnaire auto-administré comporte 10 questions et permet d’évaluer les risques de dépression post-partum en fonction d’un score. L’EPDS est particulièrement utile pour les professionnels de santé de première ligne, comme les gynécologues, les sage-femmes, les pédiatres ou les travailleurs sociaux, qui ne sont pas nécessairement spécialisés en santé mentale. Grâce à cet outil, une patiente présentant un score élevé peut être dépistée et donc orientée vers un professionnel spécialisé (psychiatre, pédopsychiatre) afin d’avoir un diagnostic clinique approfondi et une prise en charge adaptée. Cette initiative, née pendant la pandémie de COVID-19, repose sur une collaboration pluridisciplinaire entre plusieurs équipes : psychiatrie adulte et infantile, anesthésistes, gynécologues et sage-femmes et pédiatres.

Ce travail en réseau permet non seulement de sensibiliser l’ensemble des professionnels de santé périnatale à la dépression post-partum, mais également d’assurer une prise en charge rapide et adaptée.